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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
27 septembre 2022

Coup de théâtre (?) à SNCF Réseau

L'Etat convoque pour demain un conseil d'administration extraordinaire de SNCF Réseau dont l'ordre du jour prévoit la révocation de M. Luc Lallemand, actuel PDG, et la nomination de M. Matthieu Chabanel à sa place. Un faux-vrai coup de théâtre ?

Le président de SNCF Réseau nommé en novembre 2019 et installé en mars 2020 avait imposé une ligne ferme, faisant de l'austérité financière la seule boussole de l'entreprise, en vue d'atteindre la neutralité financière en 2024. Une ligne managériale aussi dure en interne avait été instaurée, avec notamment une réduction d'un tiers des effectifs des directions centrales pour commencer et des difficultés à couvrir certaines fonctions dans les directions territoriales et sur le terrain. Dans les relations institutionnelles, les discussions avec les Régions n'ont cessé de se tendre, allant même jusqu'à poser des problèmes à l'Etat par des postures non alignées : ce fut notamment le cas sur les lignes de desserte fine du territoire, à propos de la participation de SNCF Réseau aux investissements, quand bien même l'Etat a couvert les fameux 8,5 % à la charge apparente du gestionnaire d'infrastructure par une dotation spécifique du plan de relance adopté en septembre 2020. L'affaire NExTEO, sans concertation manifestement tant avec SNCF Voyageurs qu'avec la RATP, partenaire technique du projet, a encore monté d'un cran ces clivages et la probabilité d'une crise ouverte.

Il faut d'ailleurs probablement voir dans cet événement une victoire d'un ministère technique sur le grand argentier : la balance a penché en faveur du ministère des Transports, mais il n'est pas impossible que Matignon ait fini par arbitré. Après tout, il n'y a pas si longtemps, les Transports étaient dans le portefeuille de Mme Borne.

L'annonce immédiate de la désignation de M. Matthieu Chabanel est le deuxième étage de la fusée. Il avait annoncé son départ de SNCF Réseau (dont il était numéro 2) au printemps, officiellement pour devenir numéro 2 du groupe La Poste mais on ne l'a jamais vu apparaître dans l'organigramme de l'entreprise. Il y a donc matière à penser qu'il a été mis en réserve et que l'exfiltration de M. Lallemand est un processus réfléchi... et probablement âprement négocié avec le ministère des Finances et ce depuis plusieurs mois.

Grand serviteur de l'Etat, M. Chabanel connaît donc parfaitement le gestionnaire d'infrastructures pour y avoir occupé différentes fonctions depuis 2012. Par rapport à M. Lallemand, il est probable qu'une approche un peu plus industrielle, voisine de la ligne qui était celle de M. Jeantet, puisse revenir en grâce. Il reste cependant à connaître les orientations de l'Etat en matière ferroviaire, dont on pourrait avoir un aperçu dans la lettre de mission à M. Chabanel, et évidemment dans les discussions parlementaires autour du budget 2023. On peut supposer que M. Chabanel a accepté la mission en échange de quelques assurances, sans lesquelles ses marges de manoeuvres seraient nulles.

La bataille va donc aussi se jouer à l'Assemblée Nationale et au Sénat : en l'absence de majorité à l'Assemblée Nationale, et compte tenu d'une opposition majoritaire au Sénat, le gouvernement devra lâcher du lest. Le ferroviaire en fera-t-il partie ? C'est une possibilité... mais il y a tant à faire en matière de grands services publics et de transition énergétique qu'il faut être prudent, d'autant qu'on connaît la faible sensibilité de la macronie à la chose ferroviaire. On sait depuis plusieurs semaines que les sénateurs LR devraient porter un projet d'amendement relevant de 2,8 à 3,8 MM€ le budget de renouvellement de SNCF Réseau. A l'Assemblée Nationale, les députés LR devraient en principe le soutenir (au moins en deuxième lecture) et il devrait - en principe - être compatible avec les orientations politiques des formations de l'alliance NUPES. L'idée d'une programmation pluri-annuelle est aussi envisagée. Sauf à ce que le gouvernement n'envisage le passage en force du budget par l'article 49-3, il est possible d'envisager qu'il lâche - un peu - la bride sur la question ferroviaire. Enfin, que devient l'actuel contrat Etat - SNCF Réseau dont tous les observateurs s'accordent à dire qu'il a vocation à passer à la poubelle ?

Mais il convient d'être prudent. Les coups de Jarnac existent... surtout en politique ! Et une chose est certaine : ce ne sera pas suffisant compte tenu de l'ampleur du retard accumulé.

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24 septembre 2022

Grande vitesse : encore plus vite ?

C'était une question récurrente dans la presse grand public, et qui émaille les discussions finalement depuis les origines du chemin de fer : faut-il aller encore plus vite ? La présentation la semaine dernière de la première rame TGV-M a marqué une rupture puisqu'elle n'ira pas plus vite que les actuelles rames. Ses bénéfices sont ailleurs, sur l'investissement, la capacité, la modularité et l'empreinte énergétique et environnementale.

Des matériels aux ambitions de plus en plus marquées

Depuis les années 1990, en France, circuler à 300 km/h est devenu une performance banale. Les années 2000 ont encore relevé le plafond à 320 km/h et certains faisaient déjà des 360 km/h le prochain cap à atteindre. Très conquérant sur le marché européen, Trenitalia communique sur les 400 km/h accessibles avec les Frecciarossa 1000, alias ETR400. Talgo n’est pas en reste avec des rames prévues pour 330 km/h et la nouvelle génération Avril voudrait atteindre sinon dépasser les 350 km/h. Mais pour l’instant, il n’en est rien : même en Espagne où les lignes à grande vitesse réalisées depuis les années 2000 sont tracées pour 350 km/h, la vitesse de croisière est généralement de 300 km/h et les possibilités au-delà ne sont mises à profit que pour rattraper un retard et ne pas devoir indemniser les voyageurs. Alstom avait développé l'AGV dans la perspective de pratiquer les 350 km/h.

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Innotrans est évidemment le lieu pour observer l'évolution des tendances de l'industrie ferroviaire : voici les deux derniers exemples de matériel à grande vitesse exposés, mettant en avant une conception pour des performances plus élevées que celles des rames connues à ce jour. En 2008, Alstom exposait le démonstrateur de l'AGV et en 2014, le groupement Bombardier - Hitachi était venu avec un Zefiro italien. © transportrail

Le mirage des descendants de l'Aérotrain

Le débat sur la vitesse s'exprime aussi au travers de l'attrait toujours marqué des médias pour des concepts tels qu'Hyperloop ou SpaceTrain affichant des vitesses jusqu'à 1300 km/h. Pour le premier, le bail du site de Toulouse-Francazal a été résilié par la Métropole, qui a perdu près de 6 M€. Officiellement, la société Hyperloop TT lorgne sur un autre terrain du côté de Muret pour un tube expérimental de 10 km. Mais les collectivités ont été - enfin ! - refroidies. Compréhension rapide... mais il faut expliquer longtemps. Quant à SpaceTrain, le concept passe des pages technologiques à la chronique judiciaire, d'abord suite à une plainte pour non-versement de salaires et ensuite pour de fausses déclarations de chômage partiel pour bénéficier des aides de l'Etat, alors que certains salariés auraient continué à travailler... tandis que d'autres avaient déjà démissionné.

Et dès lors que Elon Musk lui-même a reconnu que le concept n'avait pour seul but de torpiller le projet de TGV en Californie, il n'est point besoin de s'étendre sur la questioN.

Comme un goût de pragmatisme

Ce plafonnement de la vitesse a plusieurs raisons d'ordre économique et liés pour partie aux choix de conception des lignes à grande vitesse en France, notamment le choix de la voie ballastée, la valeur de l'entraxe des voies et l'aérodynamique du matériel roulant. Ainsi, passer de 300 à 320 km/h entraîne déjà une augmentation des coûts de maintenance de 25 à 30% de l'infrastructure, et une consommation d'énergie plus importante. Nous y revenons par la suite. Autre élément à ne pas négliger, le bruit et les riverains, même si l'acceptabilité des lignes nouvelles n'a jamais été très élevée : tout le monde veut profiter du service, mais à condition qu'il passe loin de chez soi... pour critiquer ensuite une accessibilité difficile.

Du côté des gains, abordons d'abord quelques principes : il ne faut pas oublier que le système ferroviaire est fondé pour large partie sur des coûts fixes par paliers : c’est lorsque l’augmentation de la vitesse permet de faire la même offre avec moins de matériel ou une desserte accrue à iso-parc qu’apparaît le gain réel, sauf – évidemment – à concevoir des dessertes sur le seul critère de la rotation du matériel et à ne pas intégrer la structuration en horaire cadencé (comme Ouigo), mais en négligeant un peu la sensibilité du voyageur. Exemple : il faudrait pouvoir relier Paris à Lyon Perrache en 1h45 maximum au lieu de 2h08 pour gagner une rame dans une desserte cadencée à l'heure, à condition de généraliser de façon fiable des crochets aux terminus en 30 minutes. Qui plus est, le bénéfice d'une vitesse accrue ne vaut que sur de longs parcours sans arrêts : il est par exemple possible de tenir 1h48 sur Paris - Strasbourg sans pour autant dépasser 300 km/h.

Et dans l'absolu, on peut en profiter pour souligner un paradoxe français, qui ne lésine pas sur les investissements à quelques dizaines de millions d’euros par minute gagnée, mais qui ne s’offusque pas de voir une rame coûtant plus de 30 M€ circuler sur plusieurs kilomètres à 30 ou 40 km/h pour accéder aux grandes gares. Le temps gagné, c’est aussi celui qu’on ne perd pas… Avantage global pour le système ferroviaire, agir sur ces zones pour relever la vitesse à au moins 60 km/h ne bénéficierait pas qu'aux liaisons longue distance à grande vitesse, mais à tous les trains. « Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous ».

Conception de l'infrastructure : une autre limitation de la vitesse

Le classicisme dans la conception des lignes à grande vitesse française, essentiellement sur voie ballastée, tranche avec le recours à la voie sur dalle en béton dans la plupart des autres pays. C'est plus cher à la construction, mais plus économique en maintenance courante. La question ne se pose que pour le renouvellement, plus complexe. La voie sur dalle autorise, à rayon de courbe constant, des dévers accrus donc des vitesses légèrement supérieures, mais aussi une réduction de l’entraxe entre les voies, donc des emprises moins gourmandes en foncier. Une aérodynamique plus poussée du matériel, comme au Japon, permet des vitesses accrues.

Sur JR East, les rames du Shinkansen larges de 3,40 m (contre 2,89 m en France) peuvent circuler à 320 km/h avec un entraxe de 4,20 m comme celui de la LGV Sud-Est qui admet entre 270 et 300 km/h. En outre, les rames japonaises sont généralement encore plus légères : exemple avec la série E7 apte à 320 km/h, composée de 10 voitures dont 8 motorisées, développant 10 MW avec une masse de 453 tonnes réparties sur 40 essieux, soit 11,3 tonnes à l’essieu (à vide) et une puissance massique de 22 kW / t. Les rames Duplex Océane disposent d’une puissance massique légèrement supérieure (9280 kW pour 399 tonnes soit 23,3 kW / t), avec une motorisation concentrée sur les 8 essieux des 2 motrices, et une charge à l’essieu de 15,3 tonnes (à vide). Un écart non négligeable quant à la sollicitation de la voie, surtout sur plateforme ballastée. Le coût de maintenance supplémentaire entre 300 et 320 km/h a été évalué entre 20 et 30%.

L'aérodynamique joue aussi sur l'insertion des infrastructures et limite le recours aux murs anti-bruit, qui obèrent l'agrément de voyage en privant les voyageurs de la contemplation de certains paysages. Ceci dit, il y aussi le syndrome de la trumite, qui consiste à avoir des places assises borgnes, entre deux fenêtres...

La nouvelle génération de TGV français, développé par Alstom et SNCF Voyageurs, améliore son aérodynamique mais d’abord dans un souci de réduction de la consommation d’énergie : il n'est plus question d'une vitesse accrue, même si le profil en courbe, le dévers et l'entraxe des lignes réalisées depuis les années 1990 est compatible avec une vitesse théorique de 350 km/h, car l'ensemble des requis ne sont pas réunis.

Un peu de géographie pour finir

Enfin, rouler plus vite suppose de s'arrêter le moins souvent possible pour que le bénéfice soit réel, ce qui remettrait sur la table des discussions le lien entre la grande vitesse ferroviaire et le maillage du territoire. L'intérêt de pratiquer une vitesse plus élevée n'aurait de sens sur le plan commercial que pour de très longues distances entre deux gares, donc essentiellement sur des trajets au départ de Paris vers des destinations très éloignées. Le plus long parcours sans arrêt sur LGV reste Paris - Marseille, mais seule la partie au sud de Valence TGV dispose d'une vitesse de tracé de 350 km/h. Sur Paris - Bordeaux, trajet plus court, c'est après Tours que l'infrastructure est en théorie calibrée pour aller au-delà de 320 km/h. Reprendre l'entraxe des voies et rectifier certaines courbes est une option bien peu crédible au regard de l'investissement à consentir et du bénéfice réel.

Aussi, même dans une optique européenne, le bénéfice resterait modeste : sur un Paris - Barcelone, il faudrait, pour vraiment obtenir un gain de temps significatif, non seulement réduire le nombre d'arrêts desservis (par exemple Valence TGV), convertir CNM en LGV (le tracé le permet) au détriment du fret et avec l'épineuse question du choix entre les gares de Nîmes Pont du Gard et de Montpellier Sud de France et enfin réaliser LNMP en ligne à grande vitesse de bout en bout ce qui n'est pas le schéma retenu. Bref, beaucoup de conditions qui, à ce jour, rendent peu crédibles les perspectives de trains à plus de 320 km/h en France.

21 septembre 2022

Transversale sud : quel successeur aux Corail ?

C’est presque un marronnier ferroviaire, revenant régulièrement dans les conversations, mais il semble que l’horizon de la décision se rapproche véritablement, ne serait-ce que par la pression de l’âge avancé des voitures Corail.

A ce jour, le champ des possibles se limite à l’alternative entre l’acquisition d’automotrices Confort 200 auprès de CAF ou le passage à la grande vitesse. Les annonces du printemps 2022 sur les lignes nouvelles Bordeaux – Toulouse et Montpellier – Perpignan (du moins jusqu’à Béziers) constituent des facteurs pouvant, de prime abord, faire pencher la balance en faveur de la seconde option.

Néanmoins, la messe n’est peut-être pas encore dite. Comme le montre le tableau ci-dessous, TGV Duplex et Confort 200 ont chacun leurs atouts et leurs faiblesses : le premier est pénalisé par les conditions d’accès et d’échanges, puis le coût d’investissement alors que le second n’est pas apte aux lignes nouvelles. Si la cohérence de l’action politique devait primer, le matériel à grande vitesse devrait l’emporter… mais la rame Duplex conserve des inconvénients qui peuvent être rédhibitoires sur une desserte à arrêts relativement fréquents (10 arrêts en 678 km) et un cabotage important.

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On regrettera (pas de conditionnel pour le coup) le fait que le Confort 200 ne soit pas « 250 » ce qui lui aurait permis de rouler à 220 km/h sur les sections aujourd’hui aptes à 200 et d’être admis sur des sections moyennement chargées des LGV, comme par exemple entre Manduel et Marseille, voire entre Bordeaux et Toulouse, quitte à ne gagner qu’environ 40 minutes au lieu d’une heure. Il aurait été alors un compromis.

Il serait alors possible de ne pas choisir (c’est courant en France) et d’avoir une partie de l’offre passant en matériel à grande vitesse et une autre restant sur le réseau classique avec des Confort 200. Cela supposerait une augmentation de l’offre, questionnant une nouvelle fois la gouvernance des liaisons nationales puisqu’aujourd’hui, il existe une frontière « technico-financière » : un TET est forcément sur le réseau classique et un TGV est forcément un service librement organisé.

Une autre orientation, en rupture totale, amènerait à considérer que des matériels à grande vitesse « non Duplex » présentent un intérêt sur le réseau français, notamment sur des relations aux arrêts plus fréquents : la transversale sud est un cas d’école en la matière, qui peut parfaitement intégrer la problématique de la plupart des relations province-province en proie au même constat. La plupart des critères de notre comparaison pourraient virer au vert avec un matériel type Velaro (ICE en Allemagne, S-103 en Espagne) ou Zefiro voire AGV.

En conclusion, quel que soit le scénario retenu, en cas de revirement, le matériel retenu pourra être recyclé sur d’autres relations : le champ des possibles est vaste pour du matériel à grande vitesse, tandis que les Confort 200 pourraient être envoyés sur Paris – Clermont-Ferrand et Paris – Toulouse, par exemple pour porter la desserte au niveau recommandé par le rapport Avenir des TET, en particulier vers l’Auvergne où il était question de 12 allers-retours contre 8 aujourd’hui et 9 à horizon 2025.

Mais cela montre que la cohérence reste à construire en matière ferroviaire…

19 septembre 2022

Busseau - Felletin : un cas de conscience ?

Quand on veut caricaturer la situation du réseau ferroviaire en dehors des grands axes, il est de bon ton de prendre l'exemple de cette antenne ferroviaire creusoise et d'en tirer une conclusion générale. C'est effectivement un cas de conscience, assurément pour les amateurs de la chose ferroviaire, mais aussi pour les spécialistes de l'aménagement du territoire et évidemment les professionnels du chemin de fer. En résumé, cette ligne pourrait concourir à l'émission - presque - historique du week-end sur RTL : « Stop ou encore ? ». Question d'autant plus sensible qu'il faut intégrer au périmètre la liaison routière La Souterraine - Guéret - Aubusson - Felletin, solution de référence pour les correspondance sur l'axe POLT.

Desservant l'une des régions les plus rurales de France, les moins faciles d'accès, à l'écart des grands axes, il y aurait quand même moyen de faire mieux, à coût limité, pour essayer d'utiliser un peu plus efficacement l'antenne de Felletin à condition d'abord d'en assurer la pérennité. En attendant, elle est l'objet du nouveau dossier de transportrail...

 

17 septembre 2022

TET : revoici l'appel d'offres !

Le gouvernement aurait-il, en matière ferroviaire, l’habitude du petit coup en douce ? On avait déjà découvert en juin dernier que l’Etat avait signé deux mois plus tôt, juste avant le premier tour de l’élection présidentielle, le nouveau contrat avec SNCF Réseau, en dépit de critiques unanimes.

Voici donc qu’au moment où Elisabeth Borne prononçait un discours très scolaire, sans âme et sans aucune nouveauté en clôture du congrès de Régions de France à Vichy, son ministère des Transports officialisait la relance de la procédure d’appel d’offres pour l’exploitation des Trains d’Equilibre du Territoire sur les relations Nantes – Lyon et Nantes – Bordeaux. Il avait été déclaré infructueux puisque seule SNCF Voyageurs y avait répondu.

Seule nouveauté de cette relance, les candidats devront répondre en option sur une nouvelle relation entre Nantes et Lille via Angers, Le Mans, Argentan, Lisieux, Rouen, Amiens et Arras. Un parcours au long cours, nécessitant lui aussi du matériel bimode. Cependant, comme nous l’avions déjà dit, cette relation apparaît d’intérêt discutable :

  • De Lille vers Le Mans, Angers et Nantes, le TGV procure un gain de 2 à 3 heures par rapport à ce que pourrait réaliser ce nouveau TET, même avec une sortie de la LGV Nord à Arras ;
  • Caen ne pourrait être desservi que moyennant un rebroussement très pénalisant sur le temps de parcours (d’où un tracé plutôt envisagé par le raccordement est de Mézidon) ;
  • Les matériels bimodes ne pourraient pas tirer profit des vitesses de 160 à 220 km/h entre Nantes et Le Mans, compliquant un peu plus le montage de la grille horaire sur cette section objet d’une tension croissante ;
  • Pour le sud normand (Caen, Argentan, Alençon), une correspondance au Mans est possible sur les trains régionaux et TGV existants ;
  • Il manque en revanche une relation entre Rouen, Le Mans et Tours pour faciliter les liaisons entre la vallée de la Seine et l’arc Atlantique sans passer par Paris.

Du point de vue de l’exploitation, un lot géographiquement éparpillé, même avec un terminus commun à Nantes, n’est pas forcément des plus simples pour la maintenance du matériel. Y aura-t-il cette fois plusieurs candidats ? Difficile d'être affirmatif à ce stade...

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16 septembre 2022

1175 km avec un plein d'hydrogène

Le chiffre mérite qu'on y prête attention. A quelques jours de l'ouverture d'Innotrans 2022, Alstom annonce avoir effectué un trajet en Allemagne entre Bremervörde et Munich avec un Coradia iLint, muni de piles à combustible, soit 1175 km avec un seul plein d'hydrogène. Au-delà de la communication de l'industriel, deux questions doivent être éclaircies pour juger plus précisément la performance et la sollicitation de la chaîne de traction :

  • à quelle vitesse a roulé le train ?
  • quel est le profil des lignes empruntées ?

On se souvient des 185 km parcourus en autonomie par un Flirt Akku de Stadler, mais sans jamais dépasser 100 km/h, sans s'arrêter et sur des itinéraires de profil plutôt facile.

Post Scriptum : le parcours a été effectué aux vitesses nominales des lignes empruntées, en passant autant que possible par l'itinéraire le plus court, avec des arrêts liés à la gestion du trafic, et sans écarter les lignes à profil moins facile. La performance est donc intéressante, mais ne change pas fondamentalement l'analyse de fond sur la pertinence de l'usage de l'hydrogène pour aller vers la traction électrique ferroviaire.

15 septembre 2022

Genève : réflexion sur une nouvelle ligne de RER

Léman Express est un succès, avec plus de 60 000 voyageurs par jour et une dynamique soutenue entre la France et la Suisse, au point que les CFF s'intéressent aux projets français et notamment à l'échéance de réalisation de la modernisation de la signalisation dans la vallée de l'Arve, nécessaire pour augmenter la fréquence des trains sur la branche de Saint Gervais, avec à la clé une télécommande de l'ensemble de la ligne pour réduire les effets préjudiciables des insuffisances - de moins en moins rares - du nombre d'agents pour tenir les points de croisement et le block manuel.

Côté Suisse, on voit loin : le Canton de Genève souhaite lancer une étude pour développer le réseau ferroviaire dans l'agglomération genevoise de sorte à créer une nouvelle ligne de RER, avec en ligne de mire l'espoir de la faire financer intégralement par la Confédération. Un premier chiffrage évoque un coût compris entre 1 et 2 MM CHF.

Basée sur un cadencement au quart d'heure, elle comprendrait 2 sections :

  • au nord : Cornavin - Nations - Aéroport - Meyrin - Zimeysa (zone industrielle Meyrin Satigny)
  • au sud : de Lancy Pont Rouge à Saint Julien en Genevois

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12 septembre 2022

Aéroport de Barcelone : Alstom, les FGC et une liaison en débat

Nouveau succès pour le Coradia Stream

Alstom a été désigné lauréat de l’appel d’offres piloté par les Chemins de fer de Catalogne (FGC) pour la fourniture de 10 automotrices Coradia Stream destinées à la nouvelle relation ferroviaire entre le centre de Barcelone et l’aéroport El Prat, cadencée au quart d’heure.

D’une longueur totale de 85 m, les rames de 5 voitures disposeront chacune de 2 portes par face et pourront emporter jusqu’à 600 voyageurs, en incluant la capacité debout. Leur vitesse maximale sera de 120 km/h sous 3000 V.

Les rames seront assemblées dans l’usine de Santa Perpètua de Mogoda. Alstom assurera en outre durant 15 ans la maintenance de ces rames dans un nouvel atelier dont il aura aussi la charge de la construction et de l’exploitation.

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Les FGC sur voie large

Ce sera une première : après la ligne à voie normale du Vallès et celle à voie métrique du Llobregat, les FGC vont circuler pour la première fois sur une ligne à écartement ibérique gérée par ADIF, en mixité avec les autres circulations de la RENFE. Les FGC ne cachent plus leurs intentions de proposer leurs services et la Généralité de Catalogne n’écarte pas l’hypothèse d’attribuer des contrats de service public à « son » opérateur, plutôt qu’à la RENFE.

Comme un goût de CDG Express

Ces rames circuleront essentiellement sur les infrastructures existantes et la ligne nouvelle à double voie desservant les 2 terminaux de l’aéroport, alors que le raccordement actuel emprunté par l’une des missions des Rodalies, est établi à voie unique et desservi seulement toutes les 30 minutes.  L’accès actuel au terminal 1 implique une correspondance avec une navette d’autobus dans l’aéroport, tandis que le terminal 2 est accessible avec une passerelle de 200 m de long.

Le débat est assez animé quant à l’exploitation de ce nouveau service : plusieurs schémas ont été esquissés, et l’hypothèse d’une nouvelle mission dédiée semble être privilégiée. Le terminal T2 de l’aéroport est aujourd’hui desservi par la mission R2 Nord venant de Maçanet via Granollers, et traversant Barcelone par le tunnel de Gràcia. La nouvelle mission R-Aeroport aura pour terminus la gare de Sant Andreu Comtal. Elle devrait être empruntée par 11 millions de voyageurs par an.

Plusieurs voix contestent ce scénario, consommant une capacité importante au cœur de Barcelone, sans pour autant participer à l'amélioration de la desserte de l’aire urbaine. Dit autrement, les 4 sillons par heure et par sens pris par cette nouvelle desserte au parcours réduit ne profiteront pas - ou peu - à la desserte périurbaine.

Cette nouvelle liaison sera financée par les utilisateurs avec un billet à tarif spécifique : seuls les possesseurs d’abonnements au moins mensuels pourront y accéder sans supplément. La mise en service est prévue en 2025.

On peut aussi noter qu'elle concurrencera la ligne 9 du métro, qui constitue aujourd'hui le principal accès à l'aéroport mais dont le tracé actuel - et futur lorsqu'elle sera achevée - contourne le centre de Barcelone, accessible aujourd'hui uniquement par de longues correspondances (c'est un peu la marque de fabrique du réseau...). La nouvelle liaison ferroviaire aura l'avantage non négligeable de desservir la gare Sants et de donner un accès direct au coeur de la ville.

11 septembre 2022

Et voici les nouveaux Nightjet

Siemens et les ÖBB ont présenté les premiers exemplaires des nouvelles voitures Nightjet, destinées d'abord aux relations avec l'Italie, objet de la commande de 13 ensembles de 7 voitures. Elles seront affectées aux liaisons depuis Vienne et Munich vers Milan, Rome et Venise. Par la suite, 20 compositions supplémentaires seront réceptionnées, élargissant le périmètre d'utilisation de ces voitures à l'Allemagne, la Suisse et les Pays-Bas.

Ces voitures se distinguent sur le plan technique par leur vitesse maximale de 230 km/h, identique aux voitures Railjet de jour dont elles dérivent, ce qui est une première pour du matériel en places couchées. Autres nouveautés, une voiture avec un espace surbaissé pour faciliter la réception des voyageurs à mobilité réduite et en fauteuil roulant, mais aussi la réversibilité des blocs de 7 voitures pour faciliter l'exploitation, encore une fois à la manière des Railjet pouvant former un convoi de 14 voitures avec 2 locomotives pour préserver les performances.

Les compositions comprennent 2 voitures en places assises, 3 en couchettes et 2 voitures-lits. La capacité de chaque ensemble est de 254 places, ce qui s'explique notamment par le passage de 6 à 4 voitures par compartiement couchettes et de 4 à 2 pour les voitures-lits. La voiture comprenant un espace surbaissé intègre aussi l'accueil des vélos (6 par rame) et du matériel des amateurs de sport de glisse. L'objectif des ÖBB est bel et bien de monter en gamme le service de ses trains de nuit pour le rendre plus attractif et amplifier cette reconquête pour l'instant opérée avec maestria.

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 Commençons par les voitures-lits : 2 configurations sont proposées avec les lits le long de la cloison (disposition identique aux voitures connues jusqu'à aujourd'hui) ou le long de la vitre (disposition nouvelle). On aperçoit l'entrée de l'espace douche + WC, assurément un des atouts de ces nouvelles voitures, du moins pour les classes supérieures.

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Le compartiment couchettes conventionnel se limite désormais à 4 places, afin de proposer un bon niveau de confort et rompre avec l'image d'une promiscuité de voyage qui n'est pas nécessairement du goût de tout le monde. Pour les familles avec plus de 2 enfants, il est quand même dommage de ne pas pouvoir les concentrer dans un unique compartiment.

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Au centre des voitures-couchettes, les fameuses mini-cabines : au centre, la tour accueille 4 casiers pour loger des - petits - bagages et l'escalier pour grimper sur les couchettes supérieures. Les voyageurs peuvent cependant ouvrir une petite partie de leur capsule, côté fenêtre, pour échanger avec leur voisin de même niveau. Ces espaces s'adressent évidemment plutôt aux voyageurs solitaires (et pas trop claustrophobes).

Pour l'instant, ces voitures n'ont pas vocation à venir en France.

10 septembre 2022

Alstom et la SNCF présentent le TGV-M

C'est sur le site d'Aytré près de La Rochelle qu'Alstom et la SNCF ont présenté la première rame de la nouvelle génération de TGV, commandée désormais à 115 exemplaires. La mise en service est annoncée en 2024 sur l'axe Paris - Lyon - Marseille.

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Le nouveau TGV pointe son nez, pour l'instant encore sans sa livrée finale, mais encore sans dévoiler ni son intérieur ni les détails permettant par exemple de moduler la composition de la rame. (cliché X)

Le TGV-M incarne plusieurs ruptures par rapport aux précédentes séries. Avec une vitesse de 320 km/h, il ferme clairement la porte aux réflexions sur des circulations plus rapides, à 350 ou 360 km/h, qui ont animé une partie des entreprises ferroviaires depuis les années 1990. Le changement de paradigme est d'autant plus important que la nouvelle rame doit être à la fois moins chère à acquérir (-20 %) et à entretenir (-30 %), plus économe en énergie (-30 %) et plus capacitaire (au moins +20 %).

Commençons par l'architecture générale : la nouvelle rame ne comprend pas 8 remorques mais 9, en tirant profit de la réduction de la longueur des motrices grâce aux progrès technologiques, en s'appuyant sur celles développées pour les rames américaines Avelia Liberty destinées à la relation Boston - Washington. Elles sont plus profiles pour améliorer la pénétration dans l'air et réduire la consommation d'électricité.

La longueur de la rame est portée de 200 à 202 mètres : 2 mètres qui deviennent 4 quand les rames circulent accouplées, ce qui impose une série d'études et de travaux pour adapter les gares : implantation des points d'arrêt par rapport à la signalisation et aux aiguillages, des traversées piétonnes (généralement pour le service, mais aussi parfois pour l'accès accompagné des voyageurs en fauteuil roulant). Contrairement à d'autres matériels comme le Régio2N, le projet a pris le parti d'un modèle unique de remorques, plutôt que d'envisager d'en raccourcir une d'une seule travée pour rester dans le cadre des 200 mètres, ce qui aurait imposé un chaudron de plus.

Sur le plan capacitaire maintenant : le passage de 8 à 9 remorques a l'avantage d'ajouter une porte de plus à la rame, mais la rame voyant sa capacité accrue, le ratio devrait resté élevé, ne permettant pas d'envisager une réduction des temps d'échanges. La SNCF annoncé une capacité maximale de 740 places dans la configuration type Ouigo.

Cette augmentation de capacité des rames pose une autre question, celle de la gestion des flux en gare avec en point d'orgue l'accès aux quais avec les désormais incontournables portillons de contrôle des billets, qui réduisent la vitesse du flux et génèrent des encombrements déjà problématiques en amont, que ce soit pour accéder au train ou pour le quitter, avec un effet sur l'organisation des correspondances. Apparaît donc une contradiction entre des trains significativement plus capacitaires et une circulation en gare plus contrainte.

Alstom et la SNCF mettent ensuite en avant une modularité accrue de ces nouvelles rames, tant par la configuration des aménagements intérieurs que par la possibilité de retirer des remorques pour raccourcir la rame (7, 8 ou 9 remorques). Ces deux points méritent d'être appréhendés avec une certaine prudence, car sur le plan opérationnel, il n'est pas certain que ces fonctionnalités soient compatibles avec une exploitation productive : il faut d'ailleurs rappeler que les rames Océane prévoient l'orientation des sièges dans le sens de la marche en première classe, mais que la manoeuvre n'est plus réalisée.

Il est aussi annoncé la possibilité de composer des rames avec ou sans voiture bar, ciblant évidemment les prestations Ouigo pour maximiser la capacité d'emport.

La modulation de la longueur des rames laisse perplexe car ce type d'opération est complexe sur une rame articulée et ne peut être envisagée qu'en atelier avec une durée d'intervention assez longue. Entre ce qui est annoncé et ce qui sera réellement effectué au quotidien, il est possible qu'il y aura un écart. Innotrans 2022 sera peut-être l'occasion d'en savoir un peu plus. En attendant, cette page du site Théoontracks est remarquable par sa pédagogie sur l'architecture du train. Techniquement, les 2 remorques pouvant être retirées seront solidaires de 2 bogies articulés avec interriculation dans leur axe (alors qu'elle sera décentrée sur les autres, comme sur AGV) : les ingénieurs ont ainsi fait preuve d'une grande imagination, mais on verra à quelle dose l'exploitant utilisera cette disposition conceptuelle.

Au-delà, comme nous l'avions dit dès la présentation du projet, il est dommage que la conception d'une nouvelle génération de rames à grande vitesse ne soit pas l'occasion de repenser plus largement le produit, notamment en abolissant la frontière entre les offres InOui et Ouigo de sorte à miser sur ce qui avait fait au fil du temps la force du TGV : l'effet-fréquence. Avec 9 voitures, pourrait être constituée une rame avec 2 voitures de classe supérieure, 3 à 4 voitures de classe standard, 2 à 3 voitures en classe économique et une voiture bar - services. Alors que l'appétence pour le train semble sur une pente réellement ascendante, il serait souhaitable de simplifier au maximum la lisibilité du service en proposant aux voyageurs de choisir d'abord leur prix avant d'adapter leur horaire. C'est notamment la stratégie italienne, tant chez Trenitalia qu'Italo, dont les effets depuis une décennie sont désormais clairement perceptibles sur la fréquentation des trains : Trenitalia l'exporte progressivement dans ses activités en France, et en Espagne d'ici deux mois, avec ses Frecciarossa ETR400.

Gageons que la modularité annoncée des TGV-M permettra un jour de mixer des offres aujourd'hui séparées.

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