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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
27 septembre 2022

Coup de théâtre (?) à SNCF Réseau

L'Etat convoque pour demain un conseil d'administration extraordinaire de SNCF Réseau dont l'ordre du jour prévoit la révocation de M. Luc Lallemand, actuel PDG, et la nomination de M. Matthieu Chabanel à sa place. Un faux-vrai coup de théâtre ?

Le président de SNCF Réseau nommé en novembre 2019 et installé en mars 2020 avait imposé une ligne ferme, faisant de l'austérité financière la seule boussole de l'entreprise, en vue d'atteindre la neutralité financière en 2024. Une ligne managériale aussi dure en interne avait été instaurée, avec notamment une réduction d'un tiers des effectifs des directions centrales pour commencer et des difficultés à couvrir certaines fonctions dans les directions territoriales et sur le terrain. Dans les relations institutionnelles, les discussions avec les Régions n'ont cessé de se tendre, allant même jusqu'à poser des problèmes à l'Etat par des postures non alignées : ce fut notamment le cas sur les lignes de desserte fine du territoire, à propos de la participation de SNCF Réseau aux investissements, quand bien même l'Etat a couvert les fameux 8,5 % à la charge apparente du gestionnaire d'infrastructure par une dotation spécifique du plan de relance adopté en septembre 2020. L'affaire NExTEO, sans concertation manifestement tant avec SNCF Voyageurs qu'avec la RATP, partenaire technique du projet, a encore monté d'un cran ces clivages et la probabilité d'une crise ouverte.

Il faut d'ailleurs probablement voir dans cet événement une victoire d'un ministère technique sur le grand argentier : la balance a penché en faveur du ministère des Transports, mais il n'est pas impossible que Matignon ait fini par arbitré. Après tout, il n'y a pas si longtemps, les Transports étaient dans le portefeuille de Mme Borne.

L'annonce immédiate de la désignation de M. Matthieu Chabanel est le deuxième étage de la fusée. Il avait annoncé son départ de SNCF Réseau (dont il était numéro 2) au printemps, officiellement pour devenir numéro 2 du groupe La Poste mais on ne l'a jamais vu apparaître dans l'organigramme de l'entreprise. Il y a donc matière à penser qu'il a été mis en réserve et que l'exfiltration de M. Lallemand est un processus réfléchi... et probablement âprement négocié avec le ministère des Finances et ce depuis plusieurs mois.

Grand serviteur de l'Etat, M. Chabanel connaît donc parfaitement le gestionnaire d'infrastructures pour y avoir occupé différentes fonctions depuis 2012. Par rapport à M. Lallemand, il est probable qu'une approche un peu plus industrielle, voisine de la ligne qui était celle de M. Jeantet, puisse revenir en grâce. Il reste cependant à connaître les orientations de l'Etat en matière ferroviaire, dont on pourrait avoir un aperçu dans la lettre de mission à M. Chabanel, et évidemment dans les discussions parlementaires autour du budget 2023. On peut supposer que M. Chabanel a accepté la mission en échange de quelques assurances, sans lesquelles ses marges de manoeuvres seraient nulles.

La bataille va donc aussi se jouer à l'Assemblée Nationale et au Sénat : en l'absence de majorité à l'Assemblée Nationale, et compte tenu d'une opposition majoritaire au Sénat, le gouvernement devra lâcher du lest. Le ferroviaire en fera-t-il partie ? C'est une possibilité... mais il y a tant à faire en matière de grands services publics et de transition énergétique qu'il faut être prudent, d'autant qu'on connaît la faible sensibilité de la macronie à la chose ferroviaire. On sait depuis plusieurs semaines que les sénateurs LR devraient porter un projet d'amendement relevant de 2,8 à 3,8 MM€ le budget de renouvellement de SNCF Réseau. A l'Assemblée Nationale, les députés LR devraient en principe le soutenir (au moins en deuxième lecture) et il devrait - en principe - être compatible avec les orientations politiques des formations de l'alliance NUPES. L'idée d'une programmation pluri-annuelle est aussi envisagée. Sauf à ce que le gouvernement n'envisage le passage en force du budget par l'article 49-3, il est possible d'envisager qu'il lâche - un peu - la bride sur la question ferroviaire. Enfin, que devient l'actuel contrat Etat - SNCF Réseau dont tous les observateurs s'accordent à dire qu'il a vocation à passer à la poubelle ?

Mais il convient d'être prudent. Les coups de Jarnac existent... surtout en politique ! Et une chose est certaine : ce ne sera pas suffisant compte tenu de l'ampleur du retard accumulé.

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Commentaires
R
La durée relativement limitée de la présidence Lallemand est cependant à peu près dans la moyenne de ses prédécesseurs, à de très rares exceptions (MM. Martinand et Du Mesnil). <br /> <br /> <br /> <br /> Sur le fond, il faut lire en creux le communiqué de l'Etat annonçant la nomination de M. Chabanel :<br /> <br /> <br /> <br /> "Pour mener à bien cette mission, le Gouvernement entend donner un nouvel élan à la gouvernance de SNCF Réseau en faisant appel à Matthieu Chabanel, industriel à l’expérience reconnue dans le secteur ferroviaire et ayant tissé des liens forts avec l’ensemble des parties prenantes. Sur la proposition de l’Etat et sous réserve de l’avis conforme du régulateur, sa désignation comme président-directeur général de SNCF Réseau sera prochainement soumise au conseil d’administration de l’entreprise.<br /> <br /> <br /> <br /> Matthieu Chabanel aura pour mission prioritaire d’améliorer la qualité du réseau ferroviaire français au bénéfice de tous (voyageurs, entreprises ferroviaires, et chargeurs) en continuant à assurer l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure et en assurant son développement soutenable, portée par une excellence opérationnelle et l’assainissement de sa trajectoire financière conformément aux objectifs du nouveau pacte ferroviaire de 2018."
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G
Je suis entièrement d'accord avec les commentaires précédents. Il faut quand même noter que Lallemand défendait le contrat de performance en février dernier<br /> <br /> https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/sncf-reseau-le-pdg-defend-son-contrat-de-performance-avec-l-etat-193806<br /> <br /> Est-ce que c'est sa déclaration ultérieure, disant qu'avec la dotation qu'il reçoit il ne pourra assurer que la maintenance du réseau structurant, qui n'a pas plus à nos politiques ?<br /> <br /> Sinon, à mon avis, on ne peut pas fixer des objectifs d'autonomie financière en 2024 et reprocher à celui qui en a la charge une approche comptable de la situation ! Une fois de plus l'Etat est schizophrène sur le sujet ferroviaire.
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V
Tout à fait d'accord avec les deux précédents commentaires. Le changement de personne ne modifie pas les données du problème. Il faudrait au moins 6 milliards d'Euros par an pour relancer le réseau de manière acceptable. Nous en sommes loins.
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D
Le problème est qu'il y a incompatibilité pour le directeur de SNCF Réseau entre assurer la bonne marche de l'entreprise et être responsable de son déficit, qu'il doit donc éviter. Luc Lallemand a peut-être mis les pieds dans le plat et agi brutalement, mais la situation de la SA SNCF réseau est inextricable sans un financement assuré à hauteur des besoins. On le lui pardonnera pas un endettement que l'on pouvait tolérer pour un EPI.<br /> <br /> Quant à M. Chabanel, il ne pourra pas dire qu'il ne savait pas. A-t-il reçu des assurances pour le financement de SNCF Réseau ?<br /> <br /> Car on voit bien que les péages ne peuvent suffire. C'est tout le problème du chemin de fer qui en Europe occidentale ne peut vivre de ses seules recettes.
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J
Bonjour,<br /> <br /> <br /> <br /> Assez étrange cette révocation après seulement 30 mois de présence, quand il faudrait au moins 10 ans pour réformer une entreprise comme SNCF Réseau.<br /> <br /> Apparemment il est reproché, en outre, de vouloir assainir les comptes ; mais les termes monétaires sont (hélas) le seul moyen de quantifié la productivité et l’utilisation des ressources humaines et techniques. D’ailleurs lors d’une récente intervieuw à la chaine de TV « Canal Z* » Luc Lallemand, indiquait que les finances n’intéressait pas les décideurs.<br /> <br /> <br /> <br /> Sous sa direction, Infrabel ( gestionnaire du réseau belge) a beaucoup evolué,retenons :<br /> <br /> Un réseau en bon état<br /> <br /> Le regroupement des cabinnes de signalisation et de gestion du trafic. <br /> <br /> Climat social apaisé avec des bonnes conditions de travail.<br /> <br /> Bonne communication envers le public avec de nombreuses portes ouvertes.<br /> <br /> <br /> <br /> Je suis très pessimiste sur les possibilités de rendre le système ferroviaire français un jour performant.<br /> <br /> <br /> <br /> Un lien de Railtech :<br /> <br /> <br /> <br /> https://www.railtech.be/fr/politique/2022/09/28/luc-lallemand-ne-sera-plus-a-la-tete-de-sncf-reseau/<br /> <br /> <br /> <br /> Intervieuw Sur Canal Z<br /> <br /> <br /> <br /> https://canalz.levif.be/talk/trends-summer-talk-avec-luc-lallemand-20-08-22/video-normal-1585087.html<br /> <br /> <br /> <br /> * Canal Z chaîne TV belge à caractère financier, qui existe depuis de nombreuses années ; rien à voir avec les événements en Ukraine.<br /> <br /> <br /> <br /> Salutations,<br /> <br /> <br /> <br /> Roland Jéhansart
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