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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
14 janvier 2021

2021 : année européenne du rail, même en France ?

Des anniversaires symboliques

C’est à la fois le 175ème anniversaire de la liaison ferroviaire Paris – Bruxelles, les 40 ans du TGV français et les 30 ans de la grande vitesse allemande. C’est aussi la première année d’entrée en application complète des dispositions du quatrième paquet de mesures de libéralisation des activités ferroviaires. C’est aussi peut-être une modeste contribution à la vie du collectif européen, passablement malmené ces dernières années (mais le Royaume-Uni n’est pas le seul fautif…).

La Commission Européenne semble considérer le rôle du chemin de fer dans une activité économique qui a été bousculée comme jamais depuis 70 ans par la crise sanitaire mondiale, mais ne perd pas de vue qu’une autre crise, beaucoup plus grave encore, n’a pas été confinée – elle – durant l’année 2020 : la question environnementale est chaque jour plus urgente. Beaucoup soulignent avec insistance l’opportunité de la conjonction entre la relance économique et l’écologie. Le Green Deal proposé par l’Union Européenne essaie d’impulser cette direction, mais le démarrage reste laborieux dans une Europe désormais à 27 où l’unanimité est devenue non seulement un vœu pieu mais un obstacle à son fonctionnement.

Si l’Union Européenne veut concrétiser cette louable intention, il faudrait donc qu’elle ouvre sa tirelire et cible des actions fortes : beaucoup auront en tête ERTMS, dont l’avancement fluctue aujourd’hui du fait d’une implication très variée des Etats, sur l’infrastructure et à bord des rames. Un financement soutenu de l’interopérabilité permettrait donc d’avancer plus rapidement. On pensera aussi évidemment à des projets d’infrastructure concourant notamment à l’amélioration des liaisons internationales. Beaucoup pensent à la Transalpine, mais elle est déjà largement financée par l’Union. L’effet sera probablement bien plus perceptible sur des projets plus opérationnels et à une échéance plus courte, tant sur le passage des points-frontières (pour la France, songeons un instant à Hendaye…), ou à l’amélioration des corridors européens pour le fret, que ce soit sur le gabarit, la longueur des voies de garage, la qualité des voies de service, ou encore la création d’itinéraires contournant les grands nœuds (vous devriez avoir VFCEA en tête…).

En France, toujours autant d’incertitudes

Tout au long de l’année 2020, le gouvernement français n’a pas lésiné dans ses discours à mettre en avant ses préoccupations en matière ferroviaire. Mais dans les faits ? Il a fallu le supplier de venir en aide à la SNCF pour compenser les conséquences du premier confinement, mais l’entreprise sait qu’elle y laissera des plumes, car les montants annoncés par l’Etat début septembre dans le plan de relance anticipent des cessions d’actifs.

De ce plan de relance, personne n’a encore réussi à en déchiffrer précisément le contenu. Sont annoncés 4,7 MM€ pour le secteur ferroviaire dont 4,05 pour recapitaliser la SNCF (modalité liée au statut de Société Anonyme). Cette opération assure selon le gouvernement une trajectoire de renouvellement du réseau à 2,9 MM€, couvre les effets de la sortie du glyphosate et la sécurisation des ouvrages d’art ainsi que l’intégration de 14 lignes de desserte fine du territoire dans le réseau structurant dont le renouvellement sera pris en charge par l’Etat. Les crédits supplémentaires portent sur le fret (250 M€ dont un quart pour la prise en charge des péages jusque fin 2021), les lignes de desserte fine du territoire (300 M€, principalement pour apporter des crédits en souffrance dans les CPER) et 100 M€ pour la relance des trains de nuit). D’autres moyens seront obtenus… par des cessions d’actifs, sujet pour le moins délicat tant sur le fond (cela revient à faire payer les effets du confinement à l’entreprise) que sur la forme (toujours en référence au « quoi qu’il en coûte »…)

Cependant, les pertes d’exploitation liées au confinement sont pour l’instant évaluées à 5 MM€ et le trou continuer de se creuser. Sur ce point, pas de clarification en vue… mais pour autant, il faut maintenir l’objectif de retour à l’équilibre financier en 2022 pour le groupe, en 2024 pour SNCF Réseau. Il se murmure que face l’érosion du trafic, et en particulier de la clientèle d’affaires, SNCF Voyageurs étudierait un scénario de rabotage sévère des dessertes nationales. Mais en parallèle, les TGV2020 sont en production : un effet de ciseau infernal !

Bref, 2021 ne commence pas vraiment comme une année « pro-rail » en France : disons tout au plus que ces enveloppes évitent tout au plus que la situation n’empire ! De l’autre côté du Rhin, le propos d’Angela Merkel est intéressant : « Ce n’est qu’avec le rail que nous atteindrons nos objectifs climatiques ». Avec 8,6 MM€ d’investissements annuels sur le réseau, cela ne semble pas trop mal parti…

Autre sujet d’inquiétude, la revoyure du contrat Etat – SNCF Réseau qu’on a quand même du mal à qualifier de « contrat de performance ». Il va falloir s’entendre sur cette notion : elle ne peut se réduire au renouvellement à l’identique comme c’est trop souvent le cas…

Un bon sujet mettant l’Etat face à ses propres responsabilités est le développement de RER dans les grandes agglomérations : quels moyens est-il prêt à engager pour passer de la théorie à la pratique ? Le fret aussi est de tous les discours, de façon encore quasi incantatoire, mais il va falloir passer au concret, ce qui va nécessiter plus qu’une étrenne à la géométrie imprécise : parlons gabarit, installations électriques, voies de service, longueur des garages en ligne, ERTMS… ce qui sera l’occasion de penser à la globalité des besoins de l’ensemble des activités ferroviaire. Puisque tout ceci finit sur des rails, les bénéfices « pensés » pour une action peuvent aussi bénéficier à une autre…

Le rail, plus que jamais au cœur des enjeux de société

Les atouts du chemin de fer demeurent plus que jamais d’actualité : la crise du covid-19 a un peu relégué – malheureusement – une autre crise, bien plus sévère et bien plus durable. Seulement 5 cinq ans après la signature de l’accord de Paris à l’issue de la COP21, la température moyenne de la planète n’a cessé d’augmenter, battant record sur record. La France n’est pas du tout dans la trajectoire à laquelle elle s’était engagée dans cet accord en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. « Les diseux et les faiseux » comme on dit parfois encore dans nos campagnes… Ceci dit, le bilan à l’échelle de la planète n’est pas meilleur, battant là encore record sur record.

Alors, à l’échelle des transports, si on profitait – vraiment – de l’occasion qui se présente pour infléchir les politiques publiques vers des modes de transport plus vertueux ? Investir dans la modernisation du système ferroviaire français, tordre un peu le bras à une lecture un peu trop financière de court terme, rappeler que les investissements d’aujourd’hui – à condition qu’ils soient bien pensés – font les économies de demain, se méfier du penchant français pour « la solution universelle miraculeuse », resserrer les liens entre le réseau ferroviaire, les services qu’il accueille, les populations et activités qu’il dessert, et naturellement regagner la confiance des utilisateurs (actuels et potentiels) par une offre structurée, attractive avec une tarification lisible et équitable : voici ce qu’on peut souhaiter au système ferroviaire français pour cette nouvelle année.

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Commentaires
G
J'avoue que votre optimisme a toujours un côté rafraîchissant :-)
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D
C'est vrai que quand on voit que le volet ferroviaire du plan de relance français est un peu moins de la moitié de ce que le Portugal va consacrer au train dans son propre plan de relance, il n'y a pas de quoi sauter au plafond! <br /> <br /> Le sort des "petites lignes" qui transportent des voyageurs fait bouger les gens car cela les concerne au premier chef et les horaires sont publics, mais ce qui se passe sur le fret local depuis une dizaine d'années est affolant. Ce ne sont pas que les betteraves qu'on n'arrive plus à transporter par le rail. Même le ballast de SNCF réseau est prié de prendre le camion que ce soit à Saint Varent (là c'est a priori résolu) ou à Courzieu (là c'est pas gagné pour la réouverture) quand ce ne sont pas les wagons eux mêmes (les ballastières du chantier d'Oloron Bedous sont reparties par la route!). <br /> <br /> Aujourd'hui ce n'est plus forcément l'évaporation du trafic qui fait fermer des lignes mais leur déliquescence.<br /> <br /> Chaque fois qu'il y a une rénovation, les débords fret et les EP sont débranchés (ex débords de Carpentras, ZI de Bourogne sur Belfort Delle, papeterie de Docelles sur Epinal St Dié...). Les lignes fret sont tronçonnées par goudronnage des PN même quand elles pourraient jouer un rôle de transit interrégional comme Châlons Troyes / Tarbes Mont de Marsan ou Châlons Verdun. <br /> <br /> Mais merci de nous tenir malgré tout inlassablement au courant des dernières nouvelles du monde ferroviaire et bonne année 2021.
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R
M. Ortf, je vous pensais moins perméable à la propagande et au politiquement correct.<br /> <br /> En effet, déjà, il serait temps de se rendre compte que les COP ne servent à rien d'autres que de rassurer des impuissants. Regardez une conférence de JM Jancovici pour vous en convaincre. <br /> <br /> De plus, comment concevez-vous un renouveau du fret ferroviaire quand partout l'infrastructure dédiée disparaît (les emprises fret font place à du bâti, des pôles d'échange multimodaux, etc. - regardez ce qui reste pour le fret en Île de France, rien !!). Pensez-vous qu'on le verrait avec des seuls trains complets longue distance, sinon avec une amélioration des circulations européennes ? <br /> <br /> <br /> <br /> Non, le principal obstacle est dans la tête des dominants qui ont exclu le train de leur non-pensée. Vous le dites vous-même très bien en rappelant le dicton "pour la route on élargit, pour le train on réfléchit". Si le train est le meilleur outil pour atténuer l'impact climatique (et il l'est), il faut une ambition d'une tout autre portée, qui dépasse largement les souhaits, certes nécessaires, que vous avez listés. Par exemple sortir des règles comptables, désobéir aux traités européens, interdire l'aliénation d'(ex-)emprises ferroviaires, réglementer pour brider la folie routière, etc., avant de passer aux gros sous.
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J
2021 l'année ferroviaire en France ? Cela ferait presque sourire si la situation du train en france des petites (et moyennes) lignes n'étaient pas catastrophiques. Mais pendant qu'un ministre retweete le reportage de France2 sur Railcoop oubliant au passage ce qu'il est censé diriger, on apprend aujourd'hui que l'aubrac passe en bus de beziers a neussargues à partir du 25/01... L'année 2021 risque encore d'etre celle du carnage ferroviaire...
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K
Inspiré par Hugor, je commence de philosopher aussi, mais un peu moins général et un peu plus ferroviaire (disons la philosophie agro-ferroviaire :-) ):<br /> <br /> <br /> <br /> Si les chemins de fer ne sont plus capables de transporter une chose si simple comme les betteraves entre les lieux de récolte et les sucreries, il y a quelque chose qui ne va pas. Les chemins de fer en France perdaient leurs fonction plus importantes: être le moteur de l'industrie.
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H
Petite philosophie du jour :<br /> <br /> À l'heure où la Nature nous rappelle brusquement qu'elle fait encore la loi, ignorer le dérèglement climatique et attendre de ces conséquences sera la plus grande chute de civilisation que l'Histoire ait connue.
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