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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
3 octobre 2020

L’impossible schéma des services nationaux de voyageurs

Il était prévu dans le cadre de la réforme ferroviaire de 2014, celle qui a donné naissance au groupe public unifié SNCF. L’Etat devait présenter aux parlementaires un schéma national des services nationaux de voyageurs. Six ans après, un tel document prospectif n’existe toujours pas. A vrai dire, c’est quasiment mission impossible.

Aujourd’hui, les dessertes ferroviaires nationales sont opérées par la SNCF soit à ses risques et périls (cas des TGV), soit au travers d’une convention avec une autorité organisatrice, qu’il s’agisse de l’Etat pour les Trains d’Equilibre du Territoire. Le reste – et non des moindres – a été transféré aux Régions.

L’Etat est donc autorité organisatrice pour :

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Pierre Buffière - 24 juillet 2020 - Paris - Toulouse est une des relations classiques demeurant sous la compétence de l'Etat. Une nouvelle desserte devrait être mise en oeuvre avec le remplacement du matériel roulant avec les nouvelles automotrices Confort 200. Flixtrain envisageait de talonner la SNCF sur cette liaison avec une offre en open-access. © transportrail

Etablir un schéma des services nationaux de voyageurs suppose une série de décisions préalables du côté de l’Etat. Quelle pourrait être la valeur d’un tel schéma sachant que la majorité des dessertes sont opérées librement par l’opérateur actuellement unique ? Si l’Etat voulait devenir prescriptif sur l’offre à grande vitesse, il faudrait envisager une contractualisation et donc lancer un ou plusieurs appels d’offres.

Concernant le périmètre TET, on sent poindre au travers du dossier des trains de nuit une inflexion de l’Etat compte tenu de la forte médiatisation du sujet mais aussi d’une dynamique qui s’amorce dans plusieurs pays européens. Le retour des liaisons vers Nice et Tarbes (voire Hendaye, ce n’est pas très clair) est annoncé d’ici 2 ans… mais outre une question sur le matériel roulant, il faut aussi statuer sur le statut de ces liaisons : peuvent-elles être intégrées dans une nouvelle convention TET avec la SNCF, puisque l’attribution directe demeure possible jusque fin 2023 ?

Pour les liaisons diurnes, l’Etat a récemment transféré aux Régions la gestion des ex-Intercités en Normandie, en Hauts de France, en Grand Est et en Centre Val de Loire, avec des modalités assez fluctuantes quant à la prise en charge du déficit d’exploitation.  Par le passé, d’autres transferts vers les Régions avaient été opérés, notamment avec la mise en service des lignes à grande vitesse (par exemple la desserte de la vallée du Rhône à l’ouverture de la LGV Méditerranée ou de l’axe Lyon – Besançon – Belfort avec la LGV Rhin-Rhône). Et si on remonte un peu plus en arrière, l’Etat avait intégré nombre d’express de moyens parcours (« Express d’Intérêt Régional », tout était dit !) comme Nancy – Belfort, Caen – Rouen ou Lyon – Clermont-Ferrand.

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La Garenne Colombes - 6 septembre 2020 - Les voilà. Rendues invisibles par le confinement et d'autres raisons beaucoup moins avouables, les Omneo Premium de Normandie débutent leurs prestations : ces 40 rames ont été financées par l'Etat pour le compte de la Région dans le cadre du transfert des dessertes vers Rouen, Caen, Le Havre et Cherbourg. © transportrail

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Montbeugny - 17 décembre 2016 - N'oublions pas aussi que les Régions font des liaisons interrégionales à leur façon... avec une constance variable selon la motivation des majorités politiques. L'aller-retour TER Lyon - Orléans modifié via Paray le Monial en 2005 (au moment où la SNCF envisageait de supprimer les Lyon - Tours) a été limité en 2012 par la Région Centre au parcours Lyon - Nevers puisqu'elle ne voulait plus le conventionner... Un aller-retour Lyon - Tours existe toujours par cet itinéraire. © E. Fouvreaux

Autant dire que le périmètre d’application potentiel d’un tel schéma semble pour le moins restreint : on imagine mal l’Etat réfléchir à la création de liaisons qui viendraient potentiellement concurrencer des liaisons conventionnées par les Régions… tout comme on ne le sent pas motivé à l’idée de mettre à main à la poche sur certains TGV, surtout dans le cadre de la libéralisation du marché intérieur.

Conclusion : avant de définir un niveau de service « axe par axe », il va d’abord falloir définir le cadre contractuel. La tendance au fil de l’eau serait plutôt de contractualiser les actuels TET diurnes. Pour les trains de nuit, la stratégie devra être clarifiée à court terme. Par ailleurs, l’Etat semblait jusqu’à présent très libéral en misant sur des opérateurs en open-access, ce qui n’est pas vraiment compatible avec la notion de planification d’un schéma national. Or le principe des franchises britanniques a pris du plomb dans l'aile avec la crise sanitaire, qui a considérablement affaibli le secteur ferroviaire, mais aussi avec certains problèmes inhérents à la compétition débridée entre les candidats prouvant qu'une concurrence forte a besoin d'un régulateur fort. 

Vous pouvez consultez les différentes réflexions de transportrail sur :

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Commentaires
S
La SNCF est-elle vraiment la seule à avoir répondu jusqu'au bout à l'appel d'offre des TET Nantes Bordeaux et Nantes Lyon ?<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai hate de lire l'article sur le sujet. <br /> <br /> <br /> <br /> Un beau gachis quand même d'investir autant dans la concurrence. Et si on donnait directement ces moyens pour améliorer le service public ?
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R
Au sujet des franchises britanniques, le système est effectivement mort et enterré, il était déjà mal en point avant la crise, mais le coronavirus l'a tué (le trafic voyageurs a été plus impacté par la crise sanitaire en Grande Bretagne qu'en France, il est descendu à un niveau quasi nul pendant le confinement et est à peine remonté à 50% de ce qu'il était avant la crise aujourd'hui). Plus que la concurence débridée entre les candidats (qui au contraire ne se bousculaient plus guère au portillon ces derniers temps, vu les risques et la piètre rentablilité de la plupart des franchises), ce sont les difficultés à établir un modèle financier évaluant de façon fiable les versements de dividendes à l'état ou les perceptions de subventions par le franchisé au cours de sa franchise de manière à en assurer la viabilité (une chose rendue quasiment impossible avec les incertitudes de la crise actuelle), qui ont mis le système par terre.<br /> <br /> <br /> <br /> Pour les 18 mois à venir et en attendant que les effets de la crise s'estompent, le gouvernement va continuer à soutenir tous les opérateurs des franchises suspendues (mais pas les opérateurs open-access - Grand Central, Hull Trains, Heathrow Express et Eurostar, ni ceux directement administrés par le Department for Transport - LNER et Northern) avec des mesures d'urgence (Emergency Recovery Management Agreements), où il perçoit les recettes et verse une somme définie aux opérateurs (incluant des frais de gestion plafonnés à 1,5% et dépendant de leur performance) en échange du service assuré.<br /> <br /> <br /> <br /> Au delà de cette periode de récupération de 18 mois, on s'achemine probablement vers un système de concessions plus ou moins basé sur le modèle de ce qui est déjà pratiqué par Transport for London pour l'Overground et Crossrail et sur certaines recommandations du rapport Williams (commandité par le gouverment l'an dernier pour étudier l'avenir du système des franchises mais jamais publié).
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S
Je ne suis pas d'accord que le cadre contractuel doit précéder le schéma national des services. <br /> <br /> Il faut donner une vision, ne serait-ce que pour projeter la consistance du réseau dont il y a besoin à moyen et long terme. <br /> <br /> Meme si certaines de ces liaisons sont du SLO, on ne peut pas laisser les décisions d'investir dans de nouvelles capacités au coup par coup, selon les demandes de SLO, car alors rien ne se fera. Les SLO eux mêmes ont besoin de la vision des services pour se projeter (par exemple, des flux rabattables en correspondance). <br /> <br /> <br /> <br /> Ce schéma devrait définir dans un 1er temps les liaisons souhaitables, avec un ordre de grandeur de leur consistance, à minima pour tout ce qui relève au moins de l'interrégional. <br /> <br /> Dans un second temps, il s'agira alors de déterminer ce qui est déjà "couvert" que ce soit en SLO, pour les conventions ou appels d'offre des Régions. Un exemple simple, mais même la liaison Nantes Rennes doit faire partie de ce schéma quand bien même les 2 Régions s'en débrouilleront. <br /> <br /> Il s'agira également de bien déterminer les fragilités de ce qui existe, et les pistes de développement. <br /> <br /> <br /> <br /> Le cadre contractuel à définir, global ou au cas par cas, sera alors une conséquence de ce schéma.... et pas son point d'entrée. Il faut espérer une stabilité de ce schéma bien + grande que le cadre contractuel qui sera davantage sous déterminant politique.
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T
L’Allemagne n’a pas non plus l’intention de commander des prestations en grandes lignes - par principes rentables - mais les planifie malgré tout, pour 90 Mrd € jusque 2030, avec l’objectif de doubler le trafic :<br /> <br /> https://www.deutschlandtakt.de/<br /> <br /> <br /> <br /> Voir le schéma des dessertes grandes lignes : <br /> <br /> https://assets.ctfassets.net/scbs508bajse/55FqSU1scLy5OcgIKTo4QH/c5cd6c048b5d10d2a0d7876f8f17a34a/Netzgrafik_3._Entwurf_Fernverkehr.pdf<br /> <br /> <br /> <br /> On peut discuter l’exigence de rentabilité - le ministre des transports est de la CSU - mais si les liaisons sont rentables, il a des chances qu’un opérateur se lance en open access.<br /> <br /> <br /> <br /> Pendant ce temps la France cherche des excuses pour ne rien faire...
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K
Vraiment intéressant, que ça pose un tel problème en France.<br /> <br /> <br /> <br /> Mais, je suis convaincu, ce n'est pas un problème d'organiser le réseau, c'est le problème que personne ne veut s'engager, ni état ni régions. Ou on veut s'engager dans un échelle très réduit. La raison pour cette manque d'engagement sont certainement les sommes énormes à investir combiné avec la grande risque et, ultérieurement à mentionner, mais en combinaison avec les deux premières points très important, une manque de compétence dans la politique/administration, notamment au niveau des régions.<br /> <br /> <br /> <br /> si j'ai des milliards à investir et si je n'a aucune idée du métier ni des conseilleurs, je vais avoir du mal de décider.
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T
Peut-on planifier en économie de marché ?<br /> <br /> Question à 100 milliards...<br /> <br /> <br /> <br /> Cependant un tel schéma pourrait tout à fait se contenter "d'estimer" un niveau de service souhaitable, sans pour autant se rendre contraignant.<br /> <br /> Une prospective n'a pas nécessairement vocation à devenir Loi, et ce serait peut-être l'occasion de discuter avec le régions...et entre régions.<br /> <br /> Encore faudrait-il que celles-ci puissent enfin bénéficier d'une relative autonomie financière, disparue depuis au moins 2015...
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