De l'(in)équité de mesures gouvernementales insensées
Décidément, le transport aérien a vraiment les faveurs du gouvernement : à croire que le confinement suscite une appétence particulièrement prononcée pour le kérosène. Ainsi, après avoir accordé plus de 7 MM€ d'aide à Air France pour compenser le manque de recettes ; après avoir évoqué une restriction des dessertes pour des parcours pouvant être effectués en train en 2h30 maximum (ce qui ne concerne de fait que très marginalement les liaisons aériennes en France) ; voici donc la petite dernière du Secrétaire d'Etat aux Transports.
Si les transports urbains et ferroviaires se voient imposer le port du masque et une distance d'un mètre entre les voyageurs, divisant par 2 à 4 la capacité d'accueil des véhicules, le transport aérien en sera exonéré ! Ainsi, les voyageurs dans les autobus, tramways, métro et trains doivent être répartis à raison d'un voyageur par mètre carré... mais dans un avion, ils peuvent continuer à s'entasser à tout juste 50 centimètres les uns des autres ! Pour les opérateurs, hormis des incitations multiples et variées, le contrôle strict de la distanciation sociale est un voeu pieu !
Les compagnies aériennes ont expliqué qu'elles ne pouvaient pas s'en sortir avec des avions remplis aux 2/3 de leur capacité. C'est probablement exact vu leur modèle économique. Mais on objectera que :
- plafonner le remplissage des trains à 50 % ne permet certainement pas aux liaisons non subventionnées d'atteindre l'équilibre commercial ;
- cette même règle appliquée aux trains régionaux augmente le déficit d'exploitation par voyageur-kilomètre, alors que les Régions vont devoir faire face non seulement à la baisse des recettes commerciales mais aussi de leurs ressources du fait de la récession économique (les Régions perçoivent une fraction de la TVA et des taxes sur les produits pétroliers), avec des dépenses en hausse (par exemple pour l'achat de masques et l'installation de mesures de protection du personnel relevant de leur compétence ou l'effet du maintien d'une offre très supérieure au trafic réel) ;
- dans le domaine des transports urbains, outre l'augmentation du déficit par voyageur-kilomètre, la baisse des recettes des voyageurs et des recettes fiscales dynamiques, il faudra aussi compter sur l'effet de l'effondrement du Versement Transport.
Bref, les transports terrestres, urbains et interurbains, sont face à une situation similaire. Elle est beaucoup plus grave que la crise du transport aérien, car avec l'effet cumulé du décrochage du printemps 2020 et les conséquences économiques sur les ressources des collectivités, c'est tout le modèle de financement du transport public qui pourrait être remis en cause. Il faudra donc que l'Etat prenne rapidement toutes ses responsabilités pour aider massivement et durablement les collectivités autorités organisatrices, mais aussi les opérateurs à surmonter les effets des mesures de confinement qu'il a décretées. Faute de quoi, le transport public, urbain et interurbain, pourrait connaître une période passablement troublée.
Un soutien massif aux investissements sera en outre justifié tant pour des questions territoriales, qu'économiques et sociétales :
- territoriales : les transports en commun ne concernent pas seulement les besoins entre et au sein des grandes métropoles mais revêtent aussi un enjeu d'équilibre entre les bassins urbains et les secteurs ruraux ;
- économiques : moderniser le réseau ferroviaire, le développer sur les besoins pertinents, poursuivre l'essor des transports urbains, c'est aussi faire appel à des entreprises souvent françaises ou européennes, avec des activités souvent locales, donc soutenir l'activité industrielle des territoires ;
- sociétales : développer le transport ferroviaire et les réseaux urbains constitue un axe majeur d'une véritable politique de transition énergétique.
Le transport public a donc urgemment besoin de bons lobbyistes... ou de personnalités politiques plus responsables... voire les deux !