Grenoble - Veynes : un sauvetage in extremis
On peut - quand même - pousser un « ouf ! » de soulagement ! La ligne des Alpes a eu chaud, très chaud, et revient de loin, notamment grâce à la mobilisation locale (à commencer par le collectif de l'étoile de Veynes), qui a secoué le mammouth ferroviaire dont l'inertie était en train de précipiter une fois de plus un maillon du réseau ferroviaire vers un funeste scénario (voir nos articles sur le sujet). On peut aussi quand même déplorer que l'Etat, et dans une certaine mesure la Région, ait mis autant de temps à mesurer les conséquences d'une certaine passivité. Si la Région ne manque pas de souligner son engagement actuel, il faut quand même rappeler qu'il n'en était pas de même voici 3 ans : le plan de sauvetage du réseau ferroviaire ne laissait pas beaucoup de chances à la section Grenoble - Veynes.
Aspres sur Buëch - 29 décembre 2016 - Croisement sur la relation Grenoble - Gap, juste avant d'emprunter la section Aspres - Veynes commune aux liaisons vers Grenoble et Livron. C'est aussi le calendrier des travaux entre ces deux gares qui conduit à une programmation des travaux étalée sur 2021 et 2022. © transportrail
Un budget de 28,3 M€ a donc été réuni avec l'Etat (10,35 M€), les deux Régions (6 M€ par AURA et 2,4 M€ par PACA), les Départements (2 M€ par l'Isère et 500 000 € par les Hautes-Alpes), la Métropole de Grenoble (2 M€) et SNCF Réseau (2,4 M€), pour assurer une première série de travaux destinés à éviter la suspension complète de l'exploitation. Il s'agit donc de traiter les zones les plus critiques. Dans un second temps, entre 2023 et 2025, d'autres opérations seront nécessaires pour renouveler l'ensemble de la ligne et augmenter sa capacité.
C'est le point positif de ces derniers mois : les collectivités convergent sur la nécessité de coordonner leurs actions et préparer un projet territorial organisé autour du train. Il passe notamment par la complémentarité des modes de transport, collectifs et individuels pour desservir le Trièves et assurer une bonne connexion entre Grenoble et les Hautes Alpes, pour les besoins de la vie quotidienne et prendre en compte les besoins économiques locaux ainsi qu'intégrer une évidente dimension touristique. Ce projet devrait s'articuler autour d'une liaison Grenoble - Gap toutes les heures et d'un renforcement à la demi-heure sur la section périurbaine, probablement jusqu'à Clelles-Mens. Autant dire que la capacité requise excède largement ce que permet aujourd'hui le cantonnement téléphonique de la ligne.
Clelles-Mens - 3 mars 2013 - Aujourd'hui, c'est une gare prisée des randonneurs, outre la population locale. Demain, ce sera peut-être le terminus du renfort périurbain. Clelles, gare du RER grenoblois ? © J. Diebold
Il en ressort que les trains continueront à circuler en 2021 entre Grenoble et Clelles-Mens uniquement, hormis une période déjà programée d'interventions sur la voie entre Grenoble et Vif en mai-juin 2020 (4 semaines), grâce à un engagement de maintenance renforcé de 3 M€ financé par SNCF Réseau (outre les 2,4 M€ d'investissement déjà évoqués). En 2022, l'exploitation sera interrompue jusqu'à l'automne sur le parcours Vif - Aspres, pour continuer les travaux. Manifestement, il a fallu jongler pour trouver les équipes disponibles pour ces opérations, dans un agenda déjà bien rempli en Rhône-Alpes et sans renoncer à des opérations déjà programmées sur d'autres axes. C'est aussi la conséquence des tergiversations collectives depuis 2016...
Quant au train de nuit Paris - Briançon, les possibilités de travaux sur Grenoble - Veynes réduisent donc les possibilités de report des circulations en 2021 pendant les travaux sur Livron - Veynes. La SNCF propose un scénario par train de nuit jusqu'à Modane et un transfert par autocar vers Briançon. C'est loin d'être l'optimum, mais c'est - aussi - la conséquence de ces mêmes tergiversations...
Pour essayer de positiver, la SNCF pourrait en profiter pour accélérer la modernisation des voitures Corail couchettes de sorte à amener de la nouveauté au retour de la liaison fin 2021.
Bref, l'année 2021 sera assurément délicate, mais au moins, et non sans mal, Grenoble - Veynes voit s'éloigner le scénario d'un arrêt d'exploitation fin 2020 sans perspective de réactivation avant 5 à 7 ans comme cela se profilait il y a quelques mois. Or on sait par expérience que rouvrir une ligne coûte beaucoup plus cher qu'éviter sa fermeture...