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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
25 novembre 2019

Etat - SNCF : l'épreuve de force ?

Mettons de côté - temporairement - le volet social avec la réforme des retraites. Disons-le tout de suite : il est secondaire, presque folklorique, digne d'une pièce de théâtre, avec amants sous le lit et portes qui claquent, tellement le scénario est connu et les arguments développés de part et d'autre pour le moins éculés. Dommage que le premier rôle ne connaîsse pas bien son texte (si l'on en juge par la cacophonie entre le gouvernement et le haut commissaire aux retraites).

SNCF Réseau au pain sec et à l'eau

Voici donc 3 séances du conseil d'administration qui devaient être consacrées au budget de SNCF Réseau pour l'année 2020. Les deux premières ont été annulées à la dernière minute et la troisième a tourné en eau de boudin. Gênant. Officiellement, il y a un problème d'arbitrage entre Matignon, le ministère des Transports et celui des Finances. Etonnant. Qu'il y ait des positions différentes entre deux ministères, c'est un classique du genre. Mais que du côté de Matignon, ce soit une telle pagaille et que l'on n'arrive pas à prendre une position, voilà une drôle d'image de ce que l'on voudrait nous faire passer pour le Nouveau monde politique...

Ainsi donc, l'Etat s'était préalablement engagé à porter à partir de 2020 la dotation de SNCF Réseau sur le renouvellement à 3 MM€ par an au lieu de 2,5. Non seulement les Finances tordent le nez, surtout après la reprise de 35 MM€ de dette, mais manoeuvrent pour ne pas en tenir compte : il serait bel et bien question non pas d'augmenter cette dotation 500 M€ annuels - mais de la réduire d'un tel montant, faisant fi des conclusions de l'actualisation de l'audit de l'EPFL, dont la dernière version date de 2018.. Et donc de potentiellement torpiller certaines opérations sur le réseau structurant. Qui a dit contrat de performance ?

On peut prendre pour exemple le zèle de Bercy, depuis plusieurs mois, sur l'opération ERTMS sur la LGV Paris - Lyon, qui est fondamentalement une opération de renouvellement, de surcroît largement autofinancée par les économies de maintenance et les recettes accrues, le solde étant couvert par un financement européen au titre de l'interopérabilité : pour le ministère de Finances, c'est du développement et une dépense dont on peut se passer. On citera aussi les renoncements aux suites rapides, ces trains-usines tant vantés ces dernières années pour le renouvellement de la voie, dont la productivité annuelle se révèle incompatible avec les logiques d'annuité budgétaire des opérations, au risque finalement de renchérir le coût des chantiers.

Parallèlement, on attend toujours la conclusion de la mission confiée au préfet François Philizot sur les lignes de desserte fine du territoire, notamment sur leurs modalités de financement. Rappelons que SNCF Réseau évalue à au moins 700 M€ le besoin d'investissement annuel sur les 10 prochaines années afin d'éviter leur disparition pure et simple. Un risque qui semble manifestement peu inquiéter l'Etat, considérant que les Régions paieront...

Une politique anti-ferroviaire, voire anti-écologique, malgré quelques coups de menton

A l'unisson, les membres du gouvernement et le chef de l'Etat ne cessent de rappeler dans tous leurs discours la priorité aux trains du quotidien. Mais quand il s'agit de passer aux actes, hormis quelques opérations de communication, tous ces éléments de langage font pschitt comme aurait dit un ancien président défunt...

Manifestement, l'Etat n'arrive pas à intégrer que le réseau ferroviaire est un puissant levier de la transition énergétique... ou peine à mettre en cohérence le discours et les actes. Certes, des signaux positifs ont été envoyés, avec l'abandon de projets tels que l'aéroport Notre Dame des Landes, l'autoroute A45, le centre commercial Europacity - et la réactivation de la ligne Epinal - Saint Dié. Mais quelques coups de menton ne font pas une politique écologique crédible et durable.

Le chemin de fer en France a - urgemment - besoin qu'on lui donne les moyens non seulement de survivre mais aussi de pouvoir être mieux utilisé pour apparaître plus attractif pour la population. Il ne faut pas exclure que le gouvernement l'ait parfaitement admis mais qu'il ne veuille pas s'engager sur cette voie, préférant surfer sur la vagues des nouvelles mobilités qui ne lui coûte pas grand chose, considérant que, la LOM désormais adoptée, il peut cocher la case du programme correspondant aux transports, un an après une réforme ferroviaire qui pourrait le prendre à son propre piège : le passage en Société Anonyme de la SNCF ne lui permet plus de financer le réseau en laissant filer la dette. Donc l'Etat n'a que deux solutions : financer... ou laisser le train dérailler. Dans tous les sens du terme...

Ajoutons pour faire bonne mesure que l'Etat doit aussi trouver un successeur à Patrick Jeantet, démissionnaire à SNCF Réseau et remplaçant de Jean-Pierre Farandou à la tête de Keolis. Diriger le gestionnaire d'infrastructure avec, d'une part, une tutelle tâtillonne, pingre et sans autre stratégie que de réduire les budgets et, d'autre part des clients légitimement exigeants, le tout dans une ambiance sociale difficile, n'est pas forcément la mission la plus attractive qui soit...

Réforme des retraites : masquer la curée pour le rail ?

Réintroduisons maintenant la question de retraites. C'est étonnant comme le contexte de novembre 2019 ressemble à celui de novembre 1995. Les organisations syndicales l'ont assurément bien remarqué et espèrent, comme à chaque fois, reproduire un mouvement de grande ampleur. Mais focaliser l'attention sur ces aspects sensibles et médiatiques liés à la réforme des retraites revient opportunément à faire diversion... pour esquiver le débat de fond sur le financement du réseau ferroviaire ?

Quant aux statuts, il y a certainement des évolutions à opérer. Est-il acceptable que deux salariés exerçant le même métier aient deux régimes différents ? Gardons-nous cependant des jugements à l'emporte-pièce : les différences sont subtiles d'un régime à l'autre et les "privilèges" des uns ne sont pas sans contrepartie. En particulier, certes la retraite des cheminots est calculée sur les 6 derniers mois de salaire, mais déduction faite des primes, parfois nombreuses et qui viennent compenser un moindre traitement de base, sur lequel est défini le montant de la pension.

Agenda politique : les questions ferroviaires au centre des débats ?

Les élections municipales au printemps prochain mettront peut-être quelques sujets ferroviaires dans le débat. Les élections régionales au printemps 2021 en feront assurément un thème central, et pourront constituer un baromètre significatif pour les échéances de 2022 avec le couplage présidentielle-législatives.

Autant dire que la question ferroviaire ne doit pas être limitée à la réforme des retraites et au devenir d'une usine Alstom. Il y a évidemment un volet industriel, mais il résulte d'orientations que doit fixer l'Etat en la matière, sur la base d'une politique d'investissement au service des territoires, de leurs habitants et des activités qui les animent, mais aussi d'une composante écologique et énergétique devenant de plus en plus pressante.

POST-SCRIPTUM

Finalement, le budget a été présenté le 30 novembre et sans surprise, le compte n'y est pas. Les engagements de 2017 volent en éclats et le Contrat de non-Performance devient désormais caduc :

  • 2,77 MM€ pour le renouvellement du réseau soit 22 M€ qu'en 2019, alors que l'engagement contractuel était de 3 MM€ pour l'année 2020 ;
  • le budget de mise en conformité réglementaire du réseau passe certe de 173 à 225 M€ mais c'est 165 M€ de moins que le contrat ;
  • pas un centime pour la sortie du glyphosate pour le désherbage du réseau, qui est tout de même estimé à 400 M€.

Que faudrait-il faire pour que l'Etat change de comportement à l'égard du réseau ferroviaire ? Puisque le Contrat de non-Performance ne concerne que le réseau structurant, il faudrait peut-être se résoudre à abaisser la vitesse sur toutes les LGV à 250 km/h pour créer un tollé général, hautement médiatique, faisant la Une des journaux pendant plusieurs jours sinon semaines du fait de l'impact sur les voyageurs, sans compter la pagaille générale sur la production et les correspondances.

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Commentaires
N
Comment expliquer que Bercy n'accorde pas 3MM€ à SNCF Réseau alors que FS parvient à dégager 7MM€ par an pour son réseau ferré sur la période 2019/2023 ?<br /> <br /> Est-ce que l'état attend la fin du monopole de la SNCF pour enfin consentir aux investissements structurels indispensables ?<br /> <br /> <br /> <br /> https://mediarail.wordpress.com/2019/12/10/investissements-ferroviaires-massifs-en-italie/
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S
A propos du post scriptum <br /> <br /> Des décideurs pourraient bien avoir l'idée tordue, avec leur logique budgétaire de courte vue, de réduire la vitesse des LGV à 250km/h. <br /> <br /> Il se trouvera même bien bien quelques écolos et economistes pour trouver que c'est une judicieuse idée, que la grande vitesse est trop chere, un luxe inutile etc...<br /> <br /> <br /> <br /> Mais on foutrait juste en l'air la production des TGV qui ne pourront effectuer toutes leur circulation chaque jour, ce qui ne pourra qu'exclure des passagers du trafic ferroviaire possible, donc perdre des recettes.... et donc ne pas permettre d'équilibrer les budgets. <br /> <br /> On tue déjà ainsi des petites lignes. Alors sur des grandes lignes...<br /> <br /> <br /> <br /> Je suis dubitatif sur le fait qu'une telle idée ferait un tel tollé qu'elle contribuerait à faire prendre conscience des besoins financiers et humains du réseau ferroviaire
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D
Si on revient au cas de notre petite ligne "sauvée par le Président" à savoir Epinal Saint Dié. Le tunnel de Vanémont qui posait problème est en passe d'être réparé (les travaux s'achèvent) et maintenant il faudra paraît il encore attendre 2 ans avant de revoir des trains alors que les travaux restants consistent d'après le dossier de presse en 7km de RVB (+ probablement des remplacements ponctuels de rails et de traverses) et le remplacement de platelages d'un certain nombre de PN. Ça laisse songeur et on imagine les délais pour une ligne qui aurait besoin d'être rénovée mais ne bénéficierait pas d'un tel éclairage médiatique.
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B
Bonjour<br /> <br /> Merci pour cet excellent exposé qui expose l'arrière-plan des décisions gouvernementales <br /> <br /> deux questions pour approfondir le sujet :<br /> <br /> 1°/ comment comprendre la phrase "On citera aussi les renoncements aux suites rapides, ces trains-usines tant vantés ces dernières années pour le renouvellement de la voie, dont la productivité annuelle se révèle incompatible avec les logiques d'annuité budgétaire des opérations, au risque finalement de renchérir le coût des chantiers" ?<br /> <br /> 2°/ quel est le montant approximatif des économies générées par la reprise des 50 MM€ ? les 3MM€ évoqués sont-ils des subventions de l'Etat ou des autorisations d'engagement sur le budget de SNCF Réesau ?<br /> <br /> d'avance merci de vos réponses
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B
Je préfère ne rien dire, car j' aurais des mots tellement durs sur les argentiers de Bercy !
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P
Franchement pas étonné, les annonces (Taxe aviation, trains du quotidien...) sonnaient trop creux pour être réalistes face au néolibéralisme forcé du gouvernement.<br /> <br /> La combinaison réduction de crédits + SA risque d'être destructrice pour le réseau, même principal..
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T
C’est simple je pense...au sommet de l’Etat, on voit pas l’intérêt de dépenser de l’argent dans les infrastructures de transport...et le mettre mot est «  désengagement »<br /> <br /> Cela touche les grands projets parfois très contestés (Ndll,A45) mais aussi les LGV, le réseau classique, les projets de RER où les projets urbains....<br /> <br /> <br /> <br /> Et tout cela se traduit par la loi LOM...<br /> <br /> <br /> <br /> Il n’y a aucune vision d’envergure, aucune ambition, la mode est aux sujets accessoires comme les trottinettes électriques....
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S
Cette analyse m'amène la réflexion suivante. <br /> <br /> <br /> <br /> Dans les années précédentes, on a construit plusieurs nouvelles infrastructures ferroviaires en même temps et leur mise en service se traduit par un grand succès de trafic, au delà des espérances. <br /> <br /> Dans le même temps, on n'a pas cessé de taper sur ces grands projets, réputé créditovore, le tout TGV qui tue les trains etc..., et qu'il y avait urgence une fois ces projets "lancés" fini, à ne surtout pas en relancer d'autres (discours de Macron à Rennes pour l'ouverture de la LGV BPL), et consacrer les crédits à l'existant ferroviaire. <br /> <br /> <br /> <br /> Las, depuis 2018 er rebelotte en 2019, on consacre effectivement 0€ à la construction de LGV... et vu qu'on y consacrait quelque milliards d;euros annuels dans les années précédentes, l'argent aurait du couler à flot sur le réseau classique.<br /> <br /> .... et finalement, non, au lieu d'augmenter, les budgets stagnent voire régressent de 500 millions d'euros. On nous aurait donc menti ? Combien de cocus de cette fable ?<br /> <br /> <br /> <br /> Pourtant, le scénario était surement déjà écrit. Il va de soit que pour les grands argentiers, il était préférable de dénoncer "l'exhorbitant" investissement ferroviaire [du Grenelle de 2007 notamment], s'assurer qu'il ne se reproduise pas à l'avenir, et surtout avant qu'on ne puisse en voir les effets positifs. <br /> <br /> <br /> <br /> Alors il reste désormais à réamorcer une nouvelle fois la pompe pour un nouveau cycle, comme en 1995 finalement. Peut-être que "l'ambiance sociale" actuelle s'y prête.
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A
La SNCF a des milliards d'Euro à investir à travers de Keolis etc. à travers du monde. L'état reprend ensuite la dette et il ne reste rien pour la France.
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A
Merci pour ce résumé, certains journalistes (et vu certains nid de rageux, je tairais les noms des journaux en questions pour éviter des représailles sur ce site) feraient bien de le lire...
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J
Merci pour ce résumé clair et précis de la situation du ferroviaire en France.<br /> <br /> La politique conjoncturelle, celle des "start-up" et de l'automobile, nous montre ses limites face aux problèmes de la société actuelle.<br /> <br /> Les industries comme les chemins de fer ou l'énergie ont besoin d'une politique structurelle.<br /> <br /> Évidemment, ce n'est pas celles de nos élites...
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I
Il manque de voix portant la compétence, l'objectivité et l'ambition vertueuse de votre propos.<br /> <br /> <br /> <br /> En pratique je trouve que le résultat écologiste aux prochaines élections, aussi spécifiques soient-elles, donnera une bonne idée de la suite des évènements.
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