Un colossal dérapage financier

Même si son conseiller aux transports est un farouche adversaire du projet, le nouveau Premier Ministre britannique, Boris Johnson, a confirmé la réalisation de la deuxième ligne à grande vitesse du Royaume Uni, malgré la dérive colossale du coût de réalisation de ce projet qui a de quoi faire tourner bien des têtes. En mai dernier, la commission des affaires économiques de la Chambre des Lords avait demandé une nouvelle évaluation socio-économique du projet, considérant que le coût de HS2 était complètement hors de contrôle...

Le projet prévoit la réalisation de 530 km d'infrastructures nouvelles dont un tronc commun de 230 km de Londres à Birmingham et de deux antennes vers Leeds et Manchester. Il intègre également 6 nouvelles gares à Birmingham, à l'aéroport de Manchester, dans les Midlands, à Sheffield, à Crewe et bien évidemment à Londres avec la nouvelle gare souterraine de Old Oak Commom comprenant 4 voies à quai de 450 m de long, représentant un ouvrage d'un kilomètre, avant de rejoindre la gare d'Euston, elle aussi au moyen d'un tunnel. En revanche, le raccordement prévu à HS1 a été abandonné.

Initialement évalué à 55,7 MM£, soit 61 MM€, le coût de réalisation des 530 km de HS2 est à ce jour chiffré entre 70 et 85 MM£ soit entre 76 et 93 MM€. Certaines hypothèses font même état d'un coût supérieur à 100 MM£, sans compter les effets de l'actuelle dépréciation de la livre...

HS2

En comparaison, la LGV SEA française, à peine plus courte (302 km) a coûté plus de 10 fois moins cher... On comprend mieux pourquoi la Chambre des Lords est allé jusqu'à explorer toutes les pistes de réduction des coûts, y compris revenir sérieusement sur la consistance du projet. Mais même en réduisant la vitesse à 200 km/h, le coût de HS2 ne baisserait que de 9% par rapport à une infrastructure calibrée pour 360 km/h, car ce qui tire mécaniquement vers le haut le coût de réalisation de HS2, c'est l'accumulation d'ouvrages d'art. Ainsi, HS2 est structurellement un projet onéreux par le nombre élevé d'ouvrages d'art et l'accumulation de tunnels ; 46 km sur la seule phase 1, et au total, près de 20% du linéaire de HS2 sera en tunnel ou en tranchée couverte, sans compter les nombreuses sections en estacade au travers de la campagne anglaise...

Par conséquent, en dépit d'un soutien politique de façade, le projet HS2 est dans une posture très difficile et l'alternative au renoncement consistera soit en un endettement assez massif soit un lissage du calendrier de réalisation, mais les échéances actuelles provoquent la colère des provinces du nord (sachant qu'il y a actuellement d'autres sujets encore plus irritants...)

La piste d'une taxation accrue des carburants, gelée depuis 9 ans, pourrait refaire surface, mais se heurterait à une impopularité assurée. même si les recettes supplémentaires, évaluées à 9 MM£ par an, pourraient concourir au financement de HS2 mais aussi d'autres projet, notamment Crossrail 2, c'est à dire un RER nord-sud, doublant l'actuel Thameslink.

La réalisation est désormais étalée entre 2026 pour le tronc commun et 2033 pour les antennes, mais, comme la dérive des coûts, celle du calendrier n'est probablement pas terminée.

Désaturer la WMCL et réduire l'effet de fracture nord-sud

En attendant, la ligne classique de la West Coast Main Line encaisse un trafic toujours plus conséquent, puisqu'elle relie les 4 principales agglomérations du royaume. L'effet de césure entre le nord et le sud semble prendre de l'ampleur. Il est vrai que d'autres sujets, bien plus politiques, bousculent quelque peu le consensus entre les provinces du royaume. HS2 est à la fois le moyen de délester le réseau existant des liaisons longue distance pour y renforcer les dessertes régionales et un véritable outil économique entre l'Angleterre et l'Ecosse... avec tout de même l'interrogation sur le devenir de l'Ecosse qui semble s'inquiéter des conséquences d'un divorce dur avec l'Union Européenne.

Avec HS2, Birmingham sera à 49 minutes de Londres contre 1h24 actuellement. Manchester gagnera d'abord 28 minutes avec la première phase (1h40 au lieu de 2h08) et la phase 2 ramènera le temps de parcours à 1h08. Quant à Leeds, le trajet sera accéléré à la fin des travaux de 52 minutes (1h28 au lieu de 2h20).

Pour le matériel roulant, 5 candidats sont en lice pour un marché de 54 rames évalué à 2,75 MM£ : Bombardier avec Hitachi (déjà bien implanté), Siemens, Alstom, Talgo et CAF. Les rames devront être aptes à une vitesse maximale de 360 km/h.

Quant à l'exploitation, elle prévoit en régime nominal pas moins de 18 trains / heure / sens sur le tronc commun, qui sera exploité en ERTMS niveau 2. HS2 est l'occasion de lancer une nouvelle franchise West Coast Partnership  pour laquelle 3 groupements ont déposé une offre :

  • Trenitalia avec First Group ;
  • MTR avec la RENFE et Guangshen Railway Company ;
  • SNCF avec Virgin et Stagecoach.

Cependant, le groupement incluant l'opérateur français et les deux compagnies britanniques a été d'emblée écarté par le gouvernement qui a retenu le groupement entre First et Trenitalia.

Le projet n'écarte cependant pas totalement le pavillon français puisque les 3 groupements retenus pour construire la ligne sont Vinci, Bouygues et Eiffage.