UIC 7 à 9 : un an après le rapport Spinetta... ou le principe des Poppys
En février 2018, le rapport de Jean-Cyril Spinetta sur l'avenir du système ferroviaire avait une nouvelle fois jeté un pavé dans la mare en préconisant la fermeture massive de lignes régionales (UIC 7 à 9, désormais appelées lignes de desserte fine du territoire) pour améliorer l'économie du réseau. La belle affaire : c'est la méthode utilisée depuis 1938 et elle a toujours prouvé son inefficacité... mais il faut toujours continuer dans l'erreur de peur de se déjuger.
Face à la colère des Régions, autour du désengagement de l'Etat, le gouvernement avait prudemment botté en touche, ce qui, au regard des précédentes expériences, n'était déjà pas si mal. Mais où en est-on depuis ?
La Loi d'Orientation sur les Mobilités est creuse sur les questions ferroviaires. La réforme ferroviaire transformant le groupe SNCF en Sociétés Anonymes s'attache à des détails de structure juridique mais évitement soigneusement le fond : stratégie, gouvernance et financement. La mission confiée au désormais incontournable préfet François Philizot est chargée de déminer un terrain ô combien sensible compte tenu des tensions entre l'Etat, SNCF Réseau et les Régions, mais la marge de manoeuvre est d'autant plus étroite qu'il semble maintenant à peu près clair qu'il ne faut pas s'attendre à une révision à la hausse du Contrat de (non-) Performance, même pour couvrir les besoins orphelins sur le réseau structurant identifiés dans l'actualisation de l'audit de l'état du réseau.
L'avancement des CPER est très faible et l'Etat ne parvient pas à honorer ses participations financières, amplifiant sur les lignes de desserte fine du territoire le retard dans le traitement des lignes concernées.
Dans ces conditions, la priorité aux trains du quotidien, sans cesse rabâchée, demeure virtuelle. Le fossé entre les Régions et SNCF Réseau s'accroit et le point de rupture n'a jamais été aussi proche. La seule perspective qui se dessine pour espérer la préservation - au moins partielle - du maillage ferroviaire actuel passe probablement par la fin de l'ambiguïté. Les Régions paient la très grande majorité des coûts de renouvellement. Les péages qu'elles versent pour la circulation des trains ne couvrent qu'une partie des dépenses courantes de maintenance et SNCF Réseau commence à leur demander de les couvrir en intégralité (cas d'Oloron - Bedous par exemple) sur des lignes où ne circulent que des trains régionaux.
De ce fait, l'Etat et SNCF Réseau font porter aux seules Régions la responsabilité qui incombe normalement au propriétaire du réseau ferroviaire. L'heure est venue de se poser la question du transfert de la propriété d'une partie de ces lignes aux Régions, qui sortiraient du réseau ferré national pour se retrouver dans une situation comparable à celle des Chemins de fer de la Corse ou de Provence, en société publique locale ou en régie directe.
Encore faut-il établir les critères d'éligibilité de ce transfert et donc arrêter définitivement de fonder toute analyse sur l'utilité d'une ligne par ce qui est improprement appelé « les groupes UIC » et qui n'est qu'une classification franco-française inspirée de principes coordonnés par l'Union Internationale des Chemins de fer et destinée à définir des pas de maintenance de la voie. Encore faut-il associer au transfert de compétence un transfert de ressources aux Régions pour assumer cette mission... et on sait à l'avance que le ministère des Finances cherchera à confier la charge sans les modalités de l'assurer. Encore faut-il aussi admettre que les Régions vont devoir renforcer en nombre et en compétence leurs équipes pour prendre en charge cette charge importante.
On comprend pourquoi il est tellement plus simple de laisser dépérir ces lignes et plaider ensuite la fermeture...Bref, « Non, non, rien n’a changé, tout, tout va continuer… » : c'est le principe des Poppys !
Pas vraiment vraiment le meilleur moyen de « reconquérir la confiance des Régions », tant pour l'Etat, dont les relations avec les collectivités locales ont atteint un haut niveau de criticité, que pour SNCF Réseau, qui supporte parfois des responsabilités qui sont celles de l'Etat... en les amplifiant aussi un peu...