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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
21 février 2019

TER : 200 000 voyageurs de plus en 2025, vraiment ?

Flash back. En 2008, la SNCF lançait un groupe de travail avec les Régions, baptisé TERx4, avec l'ambition de quadrupler la fréquentation des trains régionaux à horizon 2030. Sur la décennie 1998-2008, le trafic avait augmenté de 60% et la SNCF se fondait sur les perspectives de croissance économique et d'évolution des comportements pour lancer cette démarche. Quatre questions avaient été mises en exergue, sur l'augmentation de capacité du réseau, sa fiabilité, l'aménagement de ses gares et son financement. Si le trafic a augmenté depuis 2008, les prévisions de l'époque ne se sont pas réalisées.

Premiers effets pour le plan Cap TER 2020

Deux ans après le lancement de ce programme (un de plus...), articulé autour de la réduction des coûts de production, SNCF Mobilités met en avant une régularité à la hausse (autour de 92,2% en moyenne nationale), une baisse de 10% de la fraude et une trajectoire économique qui se rapproche progressivement de l'objectif. Un discours très synthétique, agrégeant des situations très variées : il n'est pas sûr que toutes les Régions se retrouvent dans ce portrait plutôt flatteur...

SNCF Mobilités affiche une nouvelle ambition, celle de transporter quotidiennement 200 000 voyageurs de plus qu'aujourd'hui à l'horizon 2025. Manifestement, l'ouverture à la concurrence du transport régional d'une part et le positionnement de plus en plus affirmé de la majorité des Régions d'autre part incite la SNCF à muscler son discours pour se présenter sous un jour un peu plus favorable vis à vis des autorités organisatrices. Mais il faut partir de loin...

La négociation des nouvelles conventions d'exploitation se poursuit. Après être parvenue à un compromis avec la Région PACA, c'est avec la Nouvelle Aquitaine que la SNCF s'est engagée sur une trajectoire de réduction assez sensible des coûts, le montant de la subvention annuelle devant passer de 300 à 264 M€ au cours de son exercice, tandis que la qualité de la production devra suivre, elle, une pente ascendante : 95% de régularité à 5 minutes en 2024, une réduction d'un tiers des suppressions de trains, alors que la Région prévoit d'augmenter la desserte d'environ de 5 à 8% sur les différents axes régionaux. SNCF Mobilités s'engage également à un accroissement de recettes de 24% alors que la Région a décidé la stabilité des tarifs sur la durée de la convention. Autant dire qu'il va falloir remplir les trains, surtout en heures creuses et le week-end.

La nouvelle stratégie repose en outre sur une nouvelle étape de décentralisation avec la création de 44 directions de ligne, soit un maillage plus fin que les 11 directions TER existantes, et qui auront le contrôle de l'ensemble du processus de production de l'offre sur leur territoire.

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Cenon - 4 octobre 2018 - Le périurbain est assurément un des principaux gisements de trafic. Encore faut-il que l'offre suive, et surtout que les tarifications soient coordonnées pour intégrer le train dans la palette des offres. © transportrail

Pour capter de nouveaux clients, il faut commencer par ne pas les considérer par principe comme des fraudeurs !

SNCF Mobilités essaie au travers de cette démarche de tempérer les critiques sur la fermeture de gares et de guichets mais aussi sur la suppression du tarif de bord pour l'achat de billets dans le train, considérant le voyageur en situation de fraude même quand le point d'arrêt ne dispose d'aucun dispositif de vente de titres de transport. Cette mesure assurément scandaleuse va complètement à l'encontre de la stratégie de conquête de nouveaux clients. Si le voyageur ne peut pas acheter son billet en gare avant de monter dans le train, ce n'est pas de sa faute : c'est au transporteur de lui mettre à disposition les moyens de l'obtenir, soit en gare, soit à bord du train. A moins que SNCF Mobilités n'envisage de supprimer les points d'arrêt dépourvus de dispositif de vente ?

SNCF Mobilités s'appuie évidemment sur l'usage du smartphone et annonce une plus grande polyvalence des agents : 50% du personnel devra être habilité à vendre des billets contre 20% actuellement, et plus uniquement dans les gares. SNCF Mobilités propose de développer des boutiques mobiles - il en existe 15 actuellement - et d'amplifier le mouvement de dépositaires - comme sur les réseaux urbains - pour assurer la vente de billets régionaux dans les commerces pour rapprocher le service de la population. Il en existe actuellement 140 dans toute la France.  Il est aussi prévu d'expérimenter des espaces de service par visioconférence. Enfin, les Centres régionaux de relations avec les clients vont évoluer pour assurer également de la vente de titres de transport par téléphone avec acheminement du courrier par voie postale. Des idées intéressantes... mais vous êtes priés de ne pas être pressé de prendre le train...

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Aspres sur Buech - 28 septembre 2018 - Pour atteindre les objectifs d'augmentation du trafic, il va falloir cesser la tendance malthusienne consistant à élaguer l'offre surtout en journée et le week-end, alors que ces créneaux horaires sont potentiellement très porteurs du fait de l'évolution des rapports au temps de la population. Illustration type avec la ligne des Alpes pour laquelle le devenir est encore loin d'être assurée... © transportrail

Il y a donc quelques idées qui méritent d'être miss en oeuvre, mais elles sont à la marge des sujets les plus élémentaires : ce n'est pas en attendant 3 jours son billet expédié par courrier qu'on pourra faciliter l'usage du train, surtout si on culpabilise en parallèle le voyageur qui - pour diverses raisons parfaitement valables - a un besoin d'immédiateté dans son déplacement. Le considérer par principe comme un fraudeur en puissance est tout simplement honteux !

A ce jour, les Régions Occitanie et Auvergne Rhône-Alpes ont rejeté cette méthode de SNCF Mobilités, imposant la vente à bord des trains au tarif normal pour les voyageurs montant dans des gares ne disposant d'aucun moyen de vente. En Bourgogne Franche-Comté, la Région semble faire machine arrière, demandant in fine à SNCF Mobilités de revenir à une vente à bord : quoi de plus logique quand près de 40% des points d'arrêt sont dépourvus de tout système de vente.

Des fondamentaux à ne pas perdre de vue

En matière d'offre, SNCF Mobilités réitère son schéma comprenant 3 niveaux de dessertes pour le périurbain (Citi), les liaisons intervilles (Chrono) et la desserte des territoires ruraux (Proxi). Sur ce point, au-delà des appellations, les véritables attentes portent d'abord sur la consistance de l'offre : pour que de nouveaux voyageurs viennent au train, il faudra arrêter de considérer qu'en dehors des heures de pointe et des abonnés (à faible contribution aux coûts d'exploitation), il n'y a pas de marché pour le transport ferroviaire régional. La conquête de nouveaux voyageurs suppose donc un véritable effort sur la fréquence et sur l'amplitude. Mais si en parallèle, on les culpabilise en les considérant comme des fraudeurs, il est inutile de vouloir renforcer les dessertes !

Pour l'instant, Occitanie et Auvergne Rhône-Alpes ont refusé

Voilà qui rappelera aussi à certains, non sans malice, les fortes réserves sinon les franches réticences de SNCF Mobilités sur le cadencement, alors porté par les Régions et RFF. Sa position reste relativement confuse car dans les faits, les offres sont encore souvent panachées et peu répétitives. La refonte des offres autour de ces trois segments fera-t-elle redécouvrir les bienfaits d'une offre structurée et lisible, tant pour l'exploitant que le client actuel (et surtout futur ?)

Evidemment, la qualité du service devra encore progresser : la régularité d'abord, mais aussi la conformité du service et le confort. Difficile d'attirer des clients quand la composition du train n'est pas conforme, imposant à des centaines de voyageurs un trajet debout, entassé, comme c'est encore trop souvent le cas.

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Lyon Jean Macé - 15 juin 2018 - Le développement des RER dans les grandes métropoles est un des puissants leviers thériques d'augmentation du trafic mais la capacité du réseau en heures de pointe est insuffisante pour que les services soient à la hauteur des besoins : dans un premier temps, il sera cependant possible d'activer les sillons en journée et le week-end. © transportrail

Enfin, l'attractivité du train passera par sa meilleure intégration dans un cycle de déplacement pouvant intégrer d'autres modes de transport (du vélo à la voiture en passant par l'autocar ou le réseau urbain), avec donc un enjeu d'intégration tarifaire et d'aménagement des pôles d'échanges...

Autant dire que SNCF Mobilités a du pain sur la planche pour concrétiser l'objectif annoncé et largement repris par la presse, d'autant qu'il n'est franchement pas impossible qu'il y ait, en 2025, d'autres opérateurs sur le réseau ferroviaire français, notamment dans le domaine du transport régional, pour venir dynamiser l'utilisation du réseau ferroviaire...

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Commentaires
L
Bonjour, est-il possible d'utiliser la photo de la gare de Cenon dans un magazine local ?
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B
En effet : sur un trajet de 40 à 50 km avec un service type banlieue ou "RER" un train peut faire un aller et retour en 2 heures et jusqu'à huit A/R en une journée ?<br /> <br /> <br /> <br /> Chaque place (assise et debout) est donc offerte 16 fois deux sens confondus.<br /> <br /> Avec un taux d'occupation moyen de 25 % sur la journée chacune sera utilisée 4 fois.<br /> <br /> Un "train du quotidien" de 500 places trimbalerait donc 2000 personnes par jour, et un parc de 100 trains "TER / RER" les 200 000 dont parle cet article.<br /> <br /> <br /> <br /> C'est peut être le trafic potentiel cumulé de deux ou trois réseaux "RER" à mettre en place à Lille, Lyon & Marseille ? A condition d'exploiter avec dynamisme.
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B
Bonjour<br /> <br /> <br /> <br /> Expliquez moi un truc sur ce chiffres ? <br /> <br /> Il s'agirait - d'ici 2025 - de transporter 200 000 voyageurs de plus, chaque jour, sur l'ensemble des lignes TER de toutes les régions de France ?<br /> <br /> En admettant qu'une place a bord ne transportera au mieux que deux fois la même personne, un coup le matin, l'autre le soir, il faudrait 100 000 places, c'est ça ?<br /> <br /> <br /> <br /> Soit 200 trains de 500 places. Est-ce si énorme que ça, d'ici 6 ans ? <br /> <br /> Ca représenterait quel investissement ? 3 ou 4 mds €
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B
Quand tu vis à la frontière germano-suisse et que tu lis ça tu prends ton abonnement demi tarif et tu ne sais pas si tu dois rire ou pleurer.
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D
Il faudrait déjà faire preuve de pragmatisme et de bon sens quand il s'agit des lignes rurales. Mettre un composteur voire un distributeur dans le train permettrait de grosses économies de maintenance (sans parler de vandalisme les appareils seraient moins soumis aux agressions météo que sur un quai). Copier sans honte les DAB de la DB (simples rapides qui acceptent pièces billets et CB et proposent tous les tarifs régionaux)<br /> <br /> Internet c'est bien mais actuellement avec le site TER, il faut 20min montre en main pour acheter un billet (je n'ai pas osé essayer sur l'écran de mon téléphone). Plutôt que d'épiloguer si les trains doivent être proxi ou chrono, recréer des arrêts facultatifs pour les petites gares. On arrive à mettre des webcams dans des lieux tempérés comme les pistes de ski ou les sommets des cols, dans une halte ferroviaire ça devrait être possible. Comme ça l'agent de conduite verrait sur un écran de contrôle s'il y a des voyageurs qui attendent et saurait s'il doit marquer l'arrêt. Redécouvrir qu'on peut éclairer les pancartes qui indiquent le nom de la gare (ou au moins les faire en matériau réfléchissant comme les panneaux routiers), c'est plus important que d'y mettre le dernier logo de la SNCF.
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L
200 000 nouveaux voyageurs, moi je veux bien, mais on les met comment dans les trains ? Le périurbain explose, les rames sont plus que remplies...
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R
Pour la ligne des Alpes, il pourrait y avoir toute la bonne volonté du monde que l'état de la ligne empêcherait de faire des miracles (ainsi que les technologies de signalisation entre Vif et Aspres).
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S
Les recettes commerciales du TER représentent 1 Milliards d'euros par an. <br /> <br /> Avec la gratuité, il y aurait un gisement de nouveaux usagers. <br /> <br /> <br /> <br /> Plus modestement, on pourrait faire une gratuité partielle, sur le périmètre des trains faiblement rempli, là où les recettes commerciales sont les plus faibles, et là où l'accroissement de fréquentation ne nécessitera beaucoup de dépenses d'exploitation supplémentaires, et quand c'est le cas, peu d'investissement supplémentaires (faire tourner les rames en heure creuse par exemple, comme rappelé dans l'article)
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G
> SNCF Mobilités s'appuie évidemment sur l'usage du smartphone et annonce une plus grande polyvalence des agents [...]<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne comprends pas : pourquoi la SNCF ne met pas en service des automates de vente de billets ? En Ile-de-France, après tout, on peut acheter un billet Transilien un peu n'importe où même s'il n'y a aucun personnel dans la gare ou la station (de métro !)...
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J
Gagner 20% de voyageurs en cinq ou six ans ne me paraît pas inatteignable, loin de là, ça fait un taux annuel de moins de 4% qui est atteint ou dépassé par de nombreux axes TER à fort trafic (sillon lorrain, plaine d'Alsace, périurbains RERisables... Y picard ?). Ces axes à eux tous seuls concentrent assez de trafic pour porter la croissance, on on n'a pas "besoin" des petites lignes ni des week-ends pour cela...<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Je me demande qui est inclus dans les "50% du personnel [qui] devra être habilité à vendre des billets", et où ils feront ces ventes... Les gilets rouges au milieu d'un hall de gare les jours de chaos ? Les agents de maintenance au portail du technicentre ? Les ADC par la fenêtre de l'autorail ?
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Z
Les concepts Citi, Chrono et Proxi ne sont que des appellations internes qui n'ont pas vocation à devenir publiques, sauf à ce qu'une région souhaite les mettre en avant. Il s'agit simplement de revenir à une segmentation de l'offre TER pour mieux répondre à la demande, ce qui est d'ailleurs fait en urbain depuis longtemps, et non à un mélange relativement incompréhensible de circulations ayant des politiques d'arrêt à peu près toutes différentes dans certaines régions. A ma connaissance, Pays-de-la-Loire est allé au bout de l'exercice : la carte du réseau est assez explicites pour savoir quel axe appartient à quelle famille :)<br /> <br /> <br /> <br /> Pourquoi en arriver là ? Pour diverses raisons au fil des années la conception de l'offre a été trop rapprochée de la production, laissant souvent le voyageur de côté du fait des contraintes d'exploitation et de matériel roulant qui prennent rapidement le dessus. L'idée avec ces concepts d'offre est de revenir à quelque chose de plus adapté, même si vous vous doutez que dans une aussi grande maison que la SNCF les obstacles vont être très nombreux pour changer les habitudes.<br /> <br /> <br /> <br /> Intrinsèquement, les axes définis en Chrono et Citi sont cadencés à l'allemande, la fréquence résultante dépendant du nombre d'AR quotidiens prévus, par exemple 120' (7 AR), ou 60'/120' (10 à 11 AR), ou 60' (15 à 16 AR), ou 30'/60' pour les plus gros potentiels Citi (20 à 22 AR) voire mieux encore localement. Le résultat dans le graphique sera fonction des éventuelles autres circulations non-TER (TGV principalement) qui ne sont généralement pas strictement cadencées. Quant à l'offre du week-end, la situation de départ est tellement maigre qu'il y aura un vrai effort à imaginer et sans doute des priorités à retenir... si tant est que les régions veulent bien financer les kms supplémentaires ou accepter de rogner un peu l'offre de semaine pour redistribuer les kms le samedi et/ou le dimanche.
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