La ligne du Tonkin financée par la Suisse ?
Trop de tergiversations depuis tant d'années n'ont pas permis d'engager le projet de réouverture de la section Evian - Saint Gingolph, surnommée ligne du Tonkin, dont nous avions déjà parlé à transportrail en 2011 (premières études de trafic) et 2014 (intentions).
La section actuellement exploitée, côté Suisse, a été mise en service voici près de 160 ans, entre le 16 février et le 14 juillet 1859, prolongée en 1878 à Saint Gingolph, localité frontalière. La section française, entre Evian et Saint Gingolph était ouverte le 1er juin 1886... mais perdait son service voyageurs en 1938. Pendant l'occupation de la France, la frontière ferroviaire de Saint Gingolph avait été désignée unique point de passage autorisée par les autorités allemandes. Néanmoins, les trains de voyageurs par Saint Gingolph n'ont pas eu d'autre existence après la libération et l'achèvement du retour des prisonniers de guerre. En revanche, côté Suisse, la ligne avait été électrifiée le 1er février 1954 en 15 kV. Depuis 31 ans, plus aucun train de marchandises n' a emprunté la section française, officiellement fermée et neutralisée en 1998.
En 1968, des ferroviphiles avaient affrêté un autorail U150 type Mobylette (X5500) pour une circulation exceptionnelle durant laquelle nombre d'appareils photos étaient de sortie. La ligne n'était plus empruntée alors que par quelques trains de marchandises. (document RER Sud Léman)
Pourtant, voilà une réouverture économique à l'exploitation. La desserte régionale RégionAlps Saint Maurice - Saint Gingolph assurée par les CFF est assurée à cadence horaire toute la journée (de 6h à 22h), et renforcée par des Brigues - Monthey pour assurer une cadence à la demi-heure. En l'état actuel, la mission Saint Gingolph mobilise 2 rames car le temps de parcours de 31 minutes ne permet pas d'assurer la fréquence avec une seule rame. Le prolongement à Evian permettrait d'occuper les rames qui arrivent à Saint Gingolph à la minute 06 et en repartent à la minute 52, les 17 km à restaurer ne nécessitant qu'à peine un quart d'heure de trajet supplémentaire. Evian bénéficierait donc d'un nouvel accès à la Suisse, vers le sud, restaurant une simili-continuité de service ferroviaire autour du lac Léman, qui aurait pour principal atout la mise en connexion de territoires à forte vocation touristique, tout en facilitant l'accès aux activités économiques de la rive sud du lac et de la haute vallée du Rhône.
Saint Gingolph - 9 juin 2017 - Arrivée de Saint Maurice, l'automotrice (ici la version rénovée des Colibri à trois caisses, incluant une voiture neuve à plancher surbaissé) stationne trois quarts d'heure avant de repartir ce qui facilite la conception de l'exploitation prolongée à Evian, qui, évidemment, serait assurée par l'opérateur suisse du Valais, actuellement les CFF. (cliché X)
La Confédération Helvétique a décidé de donner un grand coup d'accélérateur sur le financement en annonçant une contribution de 100 MCHF au projet, qui de toute façon devra être réalisé aux standards suisses (électrification en 15 kV, signalisation...), sachant que le projet est évalué à 180 M€ (pour 18 km, c'est quand même beaucoup). Autant dire que le financement suisse se retrouverait assez nettement majoritaire compte tenu du cours du franc suisse ! L'initiative du maire de Thonon les Bains, demandant en décembre dernier la transformation de la ligne en piste cyclable, n'en apparaît que plus déplacée... alors que la seule route entre Evian et le Valais enregistre 10 000 à 14 000 véhicules par jour et que l'étude menée en 2011 tablait sur un trafic d'au moins 1200 voyageurs par jour avec un service à cadence horaire depuis Saint Maurice et de 3200 voyageurs par jour si on ajoutait le prolongement de la branche Evian du Léman Express.