Ce devait être un symbole pour le système ferroviaire français accusé d'oublier les lignes régionales. La réouverture de Belfort - Delle aurait dû prouver que non, la SNCF ne se désintéresse pas de l'aménagement du territoire... mais ce bel espoir commence à être quelque peu entâché de quelques boulettes dont il va falloir identifier les responsables. Nous avions dès novembre 2017 pointé ce risque désormais avéré.
La desserte entre Belfort et Delle prévoit à compter de décembre 2018 :
- 10 allers-retours Belfort Ville - Belfort-Montbéliard TGV, assurés par la SNCF, dont 6 seront prolongés à Delle ;
- 10 allers-retours Bienne - Delle - Belfort-Montbéliard TGV, assurés par les CFF, sur les 16 existants pour les propres besoins du Jura suisse.
Donc les trains suisses n'iront pas à Belfort Ville, ce que demande pourtant le canton du Jura et les CFF. Le dossier est en train (s'il on peut dire) de monter d'un cran car le président du gouvernement suisse du Jura a répondu par courrier à certains élus français qui reprochaient la faible desserte de leur future gare, puisque manifestement côté français, on reportait la résponsabilité sur le voisin suisse. M. David Eray a ainsi rappelé qu'il s'est conformé aux directives fixées au Canton par la Région Bourgogne Franche-Comté, qui, selon lui, n'a fait que transmettre l'avis de la SNCF... sans qu'il n'ait pu comprendre les raisons réelles de la limitation des trains des CFF à la gare TGV de Belfort-Montbéliard.
Serait-ce que la SNCF a peur d'être atteinte dans sa dignité d'opérateur ferroviaire de référence mondiale ? Cette obstruction est digne de la façon dont la France a compliqué l'importatation de magnétoscopes japonais à la fin des années 1970 en leur imposant un contrôle douanier à Poitiers (parce que le vent du large y souffle un peu moins fort).
Il est évident que le schéma de desserte proposé est des plus discutables : outre l'absence de liaison directe Belfort - Bienne, sur le seul versant français, aucune réflexion n'a été visiblement menée sur la valorisation de la correspondance TER - TGV à Belfort-Montbéliard pour prolonger par exemple les TER venant d'Epinal et de Vesoul, qui sont les plus faciles à prolonger (sans rebroussement).
Mais compte tenu des délais, il semble difficile de renverser la vapeur et de proposer un schéma de desserte logique d'ici le mois de décembre.
Post-Scriptum : histoire d'en rajouter une couche, la vitesse des trains sera limite à 70 km/h au droit des passages à niveau pour contourner la directive bien connue de M. Bussereau, interdisant la création de nouveaux passages à niveaux actifs dans le cadre d'une réouverture de ligne...
Autrement dit, pour être un peu provocateur, les suisses ne sont là que pour boucher les trous de desserte. Pour les relations où il risque d'y avoir du monde, pas question de sous-traiter aux suisses, même si c'est aussi à ces heures là que des relations de bout en bout (Belfort-Delle-Delémont-Bienne) auraient été les plus intéressantes (pour les frontaliers dans un sens et pour les lycéens et ceux qui travaillent à Belfort dans l'autre).
De plus, outre le problème des changements nécessaires à Delle, les horaires français des trains poussant jusqu'à Delle ne respectent pas tous la trame cadencée. Ce qui fait que certaines relations n'ont pas vraiment de correspondance à Delle pour la Suisse, y compris quand il aurait été logique d'avoir de telles correspondances (genre sens France - Suisse le matin).
Après, on peut comprendre que la région BFC ne soit pas forcément enthousiaste à ce que les suisses assurent entièrement la desserte, vu que cela voudrait dire que de l'argent public français sert à financer une entreprise ferroviaire étrangère n'employant même pas forcément de conducteurs ou de contrôleurs (s'il y en a dans les trains suisses) français. Mais avec un peu de bonne volonté, il aurait été tout à fait possible d'envisager une exploitation commune, comme au CEVA, y compris en utilisant des Regiolis Tri-tension qui vont de toute façon être homologué en Suisse pour le CEVA, l'achat de rames FLIRT par une région française risquant d'être compliqué (il n'y a qu'à voir le montage qui était proposé à la région ARA sur le CEVA, avec une location de rames et non l'achat de rames à Stadler (ce qui aurait probablement requis un appel d'offres de la part de la SNCF)).