Depuis maintenant plus de trois mois, la grève de la SNCF transforme les voyageurs en variable d'ajustement d'un différend entre l'Etat, la direction de la SNCF et les organisations syndicales. Il est souvent fait allusion à la grève de la fin d'année 1995 mais le contexte a profondément changé.
En 1995, le covoiturage n'existait pas. Il y avait bien des auto-stopeurs mais les plateformes Internet ont joué depuis un effet démultiplicateur d'autant plus important qu'assez invisible : on n'a plus besoin de poser son sac à l'entrée de l'autoroute avec sa destination sur un bout de carton. Tout se passe en ligne et en principe sans avoir à attendre des heures la bienveillance d'un automobiliste.
Les Services Librement Organisés d'autocars n'existaient pas non plus. Leur présence est de plus en plus visible sur les autoroutes et ils ont profité de l'aubaine servie sur un plateau d'argent par le trio Etat-SNCF-syndicats pour faire leurs choux gras. En trois mois, l'augmentation du trafic sur les lignes de Flixbus, Isilines et Ouibus atteint 50%. Profitant de la pagaille supplémentaire provoquée par la grève, les autocaristes ont attiré vers eux une partie de la clientèle du train. Le car, c'est plus long, c'est moins confortable, mais c'est moins cher et surtout, il n'y a pas de grève. Encore que, sur le prix, les tarifs ont suivi une pente ascendante avec la grève (ce qui est rare est cher) et l'écart entre le train et l'autocar a été fortement réduit.
Sans surprise, les autocaristes devraient donc afficher d'excellents résultats pour l'année 2018. Quant à la SNCF, qui annonce déjà 400 M€ de pertes, elle aura du mal à capitaliser sur le rebond enregistré en 2017.
Faut-il évoquer aussi le sort de lignes secondaires dont le trafic des plus maigres a été encore un peu plus affaibli par cette grève, avec un service parfois nul pendant plusieurs jours ?
Quel sera l'impact sur la fréquentation des trains lorsque cessera un mouvement de moins en moins compris - admis - par la population ? Si, comme nous le disions précédemment, la méthode a une nouvelle fois privilégié la forme pour mieux abandonner le fond, cette grève à rallonge a surtout pour effet d'amplifier le désintérêt pour le train d'une partie croissante des français. La reconquête du trafic sera d'autant plus difficile que d'autres habitudes auront été prises. En attendant, l'affaiblissement du trafic donnera une nouvelle fois des arguments aux partisans de l'attrition ferroviaire, idéalement servis par ceux qui disent défendre le chemin de fer...
Y-a-t'il une date envisagée pour sortir de cette grève interminable, ou c'est parti jusqu'en décembre ? Le gouvernement ne semble pas prêt à renoncer, donc...