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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
13 avril 2018

Réforme ferroviaire : "remontada" sur les petites lignes ?

L'avenir du système ferroviaire occupe largement les médias et le quotidien des milliers d'usagers qui doivent composer avec les lourdes perturbations du service pour cause de grève perlée. Le projet de loi est désormais à l'Assemblée Nationale. Néanmoins, la posture de l'Etat manque d'épaisseur et d'argumentaire face aux organisations syndicales, ce qui confirme que la réforme a pris le dossier ferroviaire par des aspects superficiels (le statut de l'entreprise et celui du personnel) plus que par les sujets de fond, évidemment beaucoup plus techniques. Et maintenant, ça se voit !

Maillage du territoire : un audit des petites lignes

Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent... Pour l'instant, notons juste la déclaration du Président de la République dans l'édition spéciale de TF1 13 heures. A propos du devenir des petites lignes, cela ressemble tout de même à une « remontada » ferroviaire : le chapitre du rapport Spinetta semble jeté aux oubliettes. Tout n'est pas rose encore car la question centrale du financement est loin d'être réglée et on peut compter sur le ministère des finances pour serrer la vis. D'ailleurs, on assiste à l'étalage de certaines divergences entre les ministres : on a vu Nicolas Hulot signer une tribune très généraliste, Elisabeth Borne aligner les entretiens dans les journaux nationaux mais Bruno Le Maire tient les cordons de la bourse et souffre de bourdonnements d'oreille à chaque fois qu'est évoquée une reprise de la dette.

Face à l'indéboulonnable Jean-Pierre Pernaut, qui n'a jamais réalisé, en 30 ans aux manettes du 13 heures de TF1, une série « SOS petites lignes en danger », Emmanuel Macron a ainsi annoncé prendre « des engagements d’investissements : on pourra maintenir toutes les petites lignes qui font sens et peut-être même en rouvir d’autres ». En détail :

  • « toutes les petites lignes qui font sens » : cela veut dire qu'il faudra réaliser un diagnostic de l'état du réseau, technique et commercial, et une étude de marché pour mettre du concret derrière l'expression « qui font sens ». Et vous connaissez le point de vue de transportrail : la quasi-totalité des lignes font sens, et leur faible usage est lié à la faiblesse du service ;
  • « et peut-être même en rouvir d’autres » : monsieur Macron, on ne vous en demandait pas tant ! N'en faites pas trop, vous risquez d'affaiblir votre propos. Si vous avez en tête Bedous - Canfranc, vous faites fausse route. Mais si vous pensez à Oyonnax - Saint Claude, Volvic - Le Mont Dore, Laqueuille - Ussel, Thiers - Montrbrison, alors vous êtes sur la bonne voie !

Financement du réseau : il va falloir rattraper le retard

Elargissons le sujet à l'ensemble du réseau ferroviaire : là encore, l'Etat est dos au mur car le retard d'investissement pour renouveler et moderniser le réseau existant est un argument largement partagé, des organisations syndicales à la nouvelle actualisation de l'audit de l'EPFL (qu'on essaie de récupérer pour vous en parler prochainement en détails). Il faut injecter 500 M€ de plus par an dans le contrat de performance, ce qui suppose donc sa révision à l'issue de la séquence parlementaire (et de la grève), afin d'amorcer le rajeunissement du réseau : son âge moyen actuel est de 33 ans en France contre 17 en Allemagne, pays qui, par exemple, renouvelle 2000 aiguillages par an contre 400 en France. Or il faudra trouver les ressources pour injecter 500 M€ par an jusqu'en 2027, échéance de l'actuel contrat... et il n'est pas avéré que Bercy soit en mesure - ou tout simplement disposé - à accéder à cette demande.

Question supplémentaire : comment évolueront les règles de financement des petites lignes ? Il est une chose de tenir des propos rassurants sur TF1, il en est une autre de les concrétiser en mettant les moyens en face de l'ambition. Ce n'est pas avec les CPER actuels (dont on rappellera une fois de plus qu'ils n'étaient initialement pas prévus pour financer le renouvellement du réseau régional) ni avec les règles de participation en vigueur à SNCF Réseau (8,5% du coût du projet), qu'on arrivera à tenir l'objectif présidentiel.

Dette et statut de l'entreprise

C'est peut-être le domaine le plus avancé. L'Assemblée Nationale a adopté en première lecture l'article de loi transformant l'EPIC SNCF en Société Anonyme à capitaux publics incessibles. Ce faisant, l'Etat se voit contraint d'avancer sur un autre dossier qui ne suscite guère l'enthousiasme du ministère des finances : la reprise de la dette. Une relative cacophonie règne au sein d'un gouvernement qui ne joue pas tout à fait la même partition : Nicolas Hulot, Elisabeth Borne et même Edouard Philippe ont clairement annoncé que l'Etat reprendrait une part significative de la dette historique, mais Bruno Le Maire pose en préalable la transformation de l'entreprise et un relèvement des objectifs de productivité.

Le passage en SA devrait a priori obliger l'Etat à une reprise complète de la dette de la SNCF : l'artifice consistant à la nicher dans un Service Annexe d'Amortissement de la Dette, au demeurant déjà réalisé en 1997 (il s'appelait RFF), ne peut masquer qu'il s'agit bel et bien d'une dette d'Etat, ce qui ne manquera pas d'être observé de près par l'Union Européenne puisque le ratio dette / PIB français atteindra les 100%, ce qui n'est pas une situation particulièrement confortable.

Ouverture à la concurrence

Sur ce point en revache, pas d'évolution notable : le calendrier reste globalement le même, d'autant que la France n'a plus le choix à force de trainer les pieds sur des mesures qu'elle votait elle-même au Parlement Européen. 2019 pour le TER, 2020 sur les Grandes Lignes  et de façon progressive à compter de 2023 et jusqu'en 2039 en Ile de France.

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Commentaires
P
Bonjour,<br /> <br /> une remarque tout à fait anecdotique par rapport au fond du sujet, mais, pour être tout à fait honnête, il faut signaler que Jean-Pierre Pernaut a au moins une fois passé un reportage sur une "petite ligne en danger". C'était à la veille de la fermeture de Nancy-Contrexéville.<br /> <br /> https://www.lci.fr/replay/jt-13h-la-ligne-ferroviaire-nancy-vittel-bientot-a-l-arret-les-usagers-en-colere-2016448.html
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V
Un moyen de redresser les "petites lignes", ce serait aussi d'y développer des opérateurs de proximité, pour en maximiser l'utilité et faire rentrer plus de péages dans les caisses.
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M
il faut aussi revoir les dépenses<br /> <br /> on parle de 500 millions, mais qui fait les travaux, RFF? La aussi on peut mettre en concurrence et faire quelques économies<br /> <br /> la première économie, c'est d'augmenter le taux de remplissage<br /> <br /> <br /> <br /> enfin je trouve que les fermetures sont couteuses: en général il y a eu des dépenses sur la ligne (amorties sur plusieurs années) via un endettement qui court toujours alors que la ligne ne rapporte plus rien<br /> <br /> est-ce que la région qui ferme une ligne va vraiment payer moins cher son contrat avec la sncf? j'en doute. Et la sncf ne va pas licencier le personnel, il n'y a pas vraiment d'économies à ce niveau<br /> <br /> <br /> <br /> en fait le cas me rappel celui de PSA il y a quelques années:<br /> <br /> la marque ne pouvait pas fermer d'usines car cela coute vraiment beaucoup d'argent, donc il y a plutôt eu un investissement dans les usines pour réduire le cout unitaire par voiture (baisse du seuil de rentabilité), donc l'entreprise gagne de l'argent en vendant autant de voitures<br /> <br /> <br /> <br /> il faut faire pareil avec le réseau ferré
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V
A défaut de reprise de la dette, on peut envisager de la laisser dans les comptes SNCF, mais avec prise en charge du service de la dette par l'Etat.
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J
Dans l'article, les lignes susceptibles d'être rouvertes se situent presque toutes en AURA. Faut il y voir un geste de la Vierge Noire du Puy en direction de celui qui y fut maire?<br /> <br /> <br /> <br /> Quelles seraient les lignes susceptibles d'être sauvées dans d'autres régions ?
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B
L'expression dans le premier alinéa de l'article est peut-être maladroite à savoir parler " d'aspects superficiels en évoquant le STATUT de l'entreprise et celui du personnel").<br /> <br /> Le système ferroviaire constitue un mixte entre une société de services et celle d'une industrie.Cela suppose préalablement de conserver un haut niveau de technicité que la disparition du STATUT pourrait mettre à mal.<br /> <br /> J'en veux preuve , mais vous le savez , que les fondements de ce "totem" ont été élaborés par les compagnies privées (1920) afin de conserver leurs personnels histoire que ceux-ci ne partent pas ailleurs qui plus est avec un savoir-faire patiemment acquis sur le temps .<br /> <br /> L'histoire aujourd'hui n'a pas changé et les formations à l'embauche sont toujours aussi lourdes et constituent un investissement financier conséquent pour la SNCF qui ne saurait être dilapidé .<br /> <br /> En langage économique , la formation constitue un CAPITAL à l'instar des machines.<br /> <br /> C'est pourtant ce que la fin du STATUT au 1er janvier 2020 prochain risque de causer chez les futurs jeunes cheminots avec un turnover aggravé lié à l'augmentation du nombre de démissions.<br /> <br /> Depuis plusieurs générations , les cheminots qui étaient embauchés pour toute leur vie professionnelle offraient l'avantage "d'un retour sur investissement" sur plusieurs décennies , les réformes de retraites étant passées chez les cheminots , leurs carrières s'allongent tout comme celles du privé.<br /> <br /> Il s'agit d'une hypothèse où l'équation devient redoutable et celle-ci ne semble pas <br /> <br /> avoir été envisagée.<br /> <br /> Depuis plusieurs années , la faible reconnaissance des contraintes professionnelles conduit déjà à une augmentation des démissions chez les plus jeunes (surtout avec des bagages techniques) en raison d'un marché du travail plus attractif.<br /> <br /> Ce phénomène risque de s'amplifier faute d'une réelle stratégie de la part de la SNCF qui peut escompter certes sur l'économie du taux T2 pour des salariés de droit privée mais ...qui en contrepartie pourrait voir son budget FORMATION FLAMBER pour les raisons invoquées ci-dessus (démissions en hausse obligeant à embaucher d'avantage et ... à former toujours plus avec des centres de formation en nombre limité !)<br /> <br /> Rappelons que le taux T2 constitue la part patronale payée par la SNCF (11% de plus qu'une entreprise lambda !) afin de financer le régime spécial cheminots. <br /> <br /> Quant au changement de régime juridique de l'entreprise SNCF , cela pourrait se révéler financièrement beaucoup plus impactant que prévu.<br /> <br /> Les conditions d'emprunt seront moins favorables (les agences de notation ont déjà placé SNCF en "surveillance négative" dans la perspective du passage en Société Anonyme , régime ne lui permettant plus d'avoir la garantie de l'Etat !!!).<br /> <br /> Bref , à force de tirer sur la ficelle , c'est plutôt la pelote qui risque d'y passer !<br /> <br /> Au prétexte d'une idéologie malvenue (lutter contre de soi-disant "privilèges"), nos politiques actuels risquent peut-être de se brûler les ailes ...<br /> <br /> Un amateurisme avec effet boomerang !
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J
Excellent exposé du problème. <br /> <br /> Évidemment, ce sont des équations complexes.<br /> <br /> Pour les résoudre il y a deux méthodes: "par substitution" ou "par combinaison".<br /> <br /> Et là, nous avons beaucoup d'inconnues.
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