Le rapport final de cette instance sera remis à la fin du mois de janvier : ce rapport d'étape constitue donc un avant-goût des conclusions et préconisations en matière d'investissement sur les grandes infrastructures de transport en France. Le chapitre ferroviaire, page 23, est assez révélateur de l'état d'esprit qui anime ce conseil : le maître-mot semble être "reconversion" voire même "substitution". La nouvelle idée en vogue est d'utiliser les emprises ferroviaires pour y faire circuler des navettes autonomes pour la desserte de territoires de faible densité. Idée aussi funeste que fumeuse car aujourd'hui, ces "people moover" ne savent évoluer qu'à très faible allure (5 km/h) et sont donc pour l'instant incapables d'assurer un système de transport interurbain. Le devenir du chemin de fer semble devoir être limité au réseau structurant, c'est à dire autour de 14 000 km, à peine la moitié du réseau existant, avec le programme de modernisation de l'exploitation porté par SNCF Réseau.
Alors faut-il être inquiet à la lecture de ce rapport ? Il se surprendra que les plus crédules. Cependant, on y retrouve la même capacité d'auto-persuasion des vertus des innovations que celle qui a pu conduire à croire en l'avenir d'ARAMIS, de l'aérotrain, d'Hyperloop aujourd'hui, du TVR et du Translohr. Faire d'un produit de recherche une solution "universelle" paliative à un système de transport éprouvé est une audace que seule la France (la lumière qui éclaire le monde, c'est bien connu) peut se permettre...
Bizarrement, je ne partage pas votre analyse.
Il faut essayer d'anticiper l'avenir : vous écrivez qu'un transport autonome actuel à une vitesse de 5 km/h, combien de temps pensez-vous cette limite persistera ?
Rappelez-vous qu'à l'orée de l'âge automobile, un véhicule devait se faire précéder en Grande-Bretagne d'une personne agitant un drapeau pour avertir les passants. Combien de temps cette disposition a-t-elle perduré ? A-t-elle empêché l'essor de l'automobile ?
Il faut avoir le courage de regarder l'avenir avec un peu de lucidité et d'imagination : oui les transports autonomes, individuels et collectifs, sont sur le point d'émerger de manière pérenne. Ce n'est pas une menace, c'est juste une remise à plat complète de notre approche du sujet. A commencer par ce distinguo bientôt obsolète des véhicules individuels et collectifs, et en continuant par la notion de propriété du véhicule.
Reprenons l'avenir par le commencement :
1/ le véhicule autonome
2/ la traction non carboné (électrique notamment)
3/ une exploitation optimisée pour le remplissage du véhicule et la définition d'itinéraire évitant les bouchons (qui sont de toute façon destinés à disparaitre, voir plus bas)
Je vous fais le pitch : vous n'êtes plus propriétaire de votre véhicule, qui stationnait dans l'ancien temps 95% de la journée, encombrant inutilement la voirie. Vous êtes titulaire d'un abonnement qui vous donne accès à un service de transport automobile autonome. Vous souhaitez vous déplacer ? Vous lancez un signal avant de partir (avec un délai de prévenance à définir), le véhicule vient vous chercher devant chez vous et vous emmène à destination. Porte à porte. Vous n'êtes pas très riche ? Le véhicule sera susceptible de passer prendre d'autres personnes sur la route (façon Uber Pool). Vous avez un abonnement Premium ? La voiture est juste pour vous. Quand vous en avez fini, elle repart prendre en charge d'autres déplacements. quand elle a fait un certain nombre de kilomètres/heures de circulation, elle part en maintenance ou à la station de recharge.
Imaginez ça maintenant sur l'échelle du territoire d'une agglomération : vous remplacez l'autosolisme par des véhicules transportant 3 ou 4 personnes, c'est-à-dire un système routier qui à consistance équivalente deviendra parfaitement fluide. Un besoin de stationnement quasi nul en centre-ville, qui pourra être assuré complètement avec les parkings en ouvrage existants, et qui libérera la voirie de ces tas de ferraille pour élargir les trottoirs et créer des vraies voies vélo !
De la science-fiction ? Non, juste de l'anticipation. considérez que ce qui est décrit ci-dessus sera en œuvre pour le commun des mortels dans le courant de la prochaine décennie.
Alors, quid du chemin de fer, quid des transports publics ? Pour ces derniers il s'agit juste d'une question de volume et d'organisation par rapport à la description du paragraphe précédent : plus de gens de gens à transporter implique des véhicules plus capacitaire et des points d'entrée/sortie du mode moins nombreux (qu'on pourrait appeler "arrêt" et équiper d'abri, de banc, d'information, toutes ces sortes de choses...).
Pour le chemin de fer, la distance fera la différence, en plus du nombre de personnes à transporter. D'où l'intérêt d'une "massification" des flux, sur un transport guidé distinct.
Et le TER, les intercités ? Vaste question. Qui ne dépend que de nous, des cheminots, des Régions, de notre capacité collective à réinventer un mode de transport dont la pérennité est aujourd'hui mise à mal par sa complexité en partie injustifiée, ses coûts non maîtrisés, ses blocages sociaux et culturelles...
M. ORTF, vous mettez le sujet sur la table et chacun de vos articles est une contribution pour y répondre, mais combien sont dans la contemplation, la crispation, l'imprécation et le souvenir d'un chemin de fer idéalisé ?