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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
19 juillet 2017

Loi Mobilités : l'ouverture du marché ferroviaire incluse

C'est ce qui ressort d'un entretien entre la ministre des transports et les représentants des syndicats, qui s'est tenu en début de semaine. La nouvelle loi Mobilités, qui viendra réformer la Loi d'Orientation sur les Transports Intérieurs (LOTI) de 1982, intègrera non seulement la programmation sur 10 ans des investissements sur les réseaux routiers et ferroviaires et les conditions de la fin du monopole de principe de la SNCF comme opérateur unique des services régionaux et nationaux de voyageurs. Le principe de la délégation de service public, comme pour les réseaux urbains, devrait donc devenir la règle, pour un lot de lignes défini par les Régions autorités organisatrices. En revanche, les pistes sont moins claires pour les dessertes nationales, entre une concurrence sur le marché en "open access" et des franchises territorialisées, comprenant à la fois des grands axes et des liaisons d'aménagement du territoire, ainsi que le suggèrent les sénateurs Louis Nègre et Hervé Maurey.

Autre sujet et non des moindres, les modalités de transfert des personnels lors du changement d'opérateur sur un territoire. Actuellement, pour une DSP urbaine, l'article L122-12 du Code du Travail s'applique : quand un réseau urbain passe de Keolis à Transdev (ou inversement), le personnel d'exploitation reste le même. Quelles orientations seront prises dans le domaine ferroviaire, sachant que la question du statut cheminot se posera mécaniquement dans ces transferts ? Le compromis trouvé dans les autres pays était généralement le suivant : les nouveaux embauchés le sont sous "nouveau statut" tandis que les personnels au statut peuvent conserver leur régime, mais avec des contreparties (mobilité vers des réseaux conservés par l'opérateur historique ou passage au droit privé pour rester sur le même territoire). En France, les possibilités de détachement ou de disponibilité des personnels sous statut pourraient constituer une solution intermédiaire, au moins temporaire.

Un enjeu économique donc, social aussi, mais dont l'aspect humain est essentiel pour arriver au compromis acceptable... qui assurément ne peut être un statu quo défensif, loin d'assurer l'avenir du chemin de fer.

Il faudra, de part et d'autre de la table des négociations, beaucoup d'écoute et d'empathie : on est priés de laisser ses dogmes à l'entrée du ministère. Finalement, tout dépend l'objectif : faire capoter par principe une réforme, comme un défi au gouvernement ; ou à l'inverse, réussir une réforme et montrer une capacité d'évolution et de compromis. In fine, veut-on un chemin de fer qui reste dans la situation actuelle dont on sait qu'elle conduit à petits feux à sa perte ? Veut-on oser le changement, c'est à dire une prise de risque, pour tenter de le relancer différemment ? Avec ce débat, émergera une considération latente depuis des années : l'avenir de la SNCF et l'avenir du chemin de fer en France n'ont pas forcément destin lié.

Autre élément qui mérite d'être dès à présent versé au débat : la nouvelle loi permettra-t-elle aux Régions de reprendre, si elles en expriment la demande, des infrastructures ferroviaires pour assurer le service en DSP ou en régie, tout en conservant un accès aux gares têtes de ligne, et donc en admettant une certaine porosité entre lignes d'intérêt local et réseau national, sous couvert évidemment d'agrément EPSF (allégé quant au périmètre) ? Aujourd'hui, la loi portant réforme ferroviaire limite les possibilités aux voies métriques et à des lignes rendues physiquement indépendantes vis à vis du réseau ferré national.

On soulignera aussi que l'ouverture à la concurrence entraînera pour les autorités organisatrices une profonde évolution de leur organisation et de leur compétence car il faudra gérer plusieurs contrats et muscler les compétences juridiques et ferroviaires pour consolider les deux termes "autorité" et "organisatrice". Au moment où les effectifs de la fonction publique territoriale sont stigmatisés, voilà un caillou de plus dans la chaussure du gouvernement...

On peut donc s'attendre à quelques difficultés pour les usagers quotidiens du train dans les mois à venir...

Enfin, une dernière question pourrait émerger : la RATP pourrait-elle être concernée par la réforme ? Si pour le métro, l'ouverture du marché aura du mal à se traduire par un alotissement "ligne par ligne" étant donné les interdépendances liées aux ateliers et à la maintenance du matériel, pour les autobus et les tramways, voire le RER, il pourrait en être tout autrement...

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Commentaires
M
"En tant que citoyen, je demande aussi la garantie ABSOLUE de la maîtrise publique des réseaux. ET le service public et la péréquation tarifaire."<br /> <br /> Si je te suis, les transports ferroviaires régionaux et nationaux seraient un service public. La notion de "péréquation tarifaire" découlerait logiquement de celle de "service public". Les citoyens français devraient avoir accès aux trains de façon équitable... à l'échelle nationale.<br /> <br /> <br /> <br /> Pour ma part, je considère que les transports régionaux (lire "TER") sont un service public. Mais de la même manière que le prix des bus n'est pas le même dans toutes les agglomérations françaises, ça ne me gêne pas qu'une assemblée élue par les citoyens de la Région choisisse la tarification à appliquer sur son réseau.<br /> <br /> <br /> <br /> En tant que citoyen, je demande surtout la garantie ABSOLUE de la maîtrise publique des conditions de sécurité des personnes et des biens et des conditions d'emploi décentes pour tous les salariés concernés. Est-ce que ça passe uniquement par une entreprise publique monopolistique d'Etat ? Je ne pense pas. Les autoroutes sont concédées. Si on s'arrête au STRICT plan de la sécurité, il n'y a aucun problème à signaler. Ce n'est pas le statut qui garantit la sécurité, ce sont les règles définies par l'Etat. C'est pour ça que je suis contre la libéralisation dérégulée du rail telle qu'elle a été pratiquée notamment au Royaume-Uni. Il faut que la collectivité puisse garder la maîtrise du réseau. Dans un premier temps, je pense qu'il ne faut pas changer le statut public du réseau, de toute façon. On ne parle d'ailleurs dans l'article que SNCF mobilité...<br /> <br /> <br /> <br /> Pour les lignes nationales, je suis plus mitigé. Certaines sont purement commerciales (type Paris - Lyon par TGV), d'autres relèvent de l'aménagement du territoire (et là j'irai beaucoup plus loin que les gouvernements passés et présent, notamment sur les trains de nuit). Pour la partie commerciale, de la même manière qu'il existe des lignes Thello ou autre, ça ne me dérange pas qu'un opérateur assume à sa charge le coût d'un service. On me dira peut-être qu'on perdrait les bénéfices qui serviraient à financer d'autres lignes. Vu les fermetures auxquelles on a a assisté depuis la création de la SNCF, je ne suis pas convaincu... Pour la partie "aménagement du territoire", ça me semble plus productif de faire comme décrit dans l'article ci-dessus (maîtrise publique du service à produire avec délégation à un opérateur, qu'il soit public ou privé).<br /> <br /> <br /> <br /> A mon avis, la SNCF sera éternellement le c*l entre deux chaises : on lui mettra toujours plus de pression pour sa partie "commerciale" et elle, en retour, mettra toujours plus de pression pour se séparer de ce qui n'est pas rentable (ou faiblement déficitaire). Je pense qu'on aura tout à gagner à mettre l'Etat (comme le sont les Régions depuis 20 ans) face à ses responsabilités : quelle politique d’aménagement du territoire et de mobilité soutenable veut-il mener ?
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I
Merci pour cet article, à la fois focalisé sur les enjeux majeurs, équilibré et engagé sur l'avenir du chemin de fer en France. C'est de ce type d'attitudes que sortira des décisions concrètes et utiles.<br /> <br /> <br /> <br /> A mon grand regret (je suis un opposant dans l'âme), il faut reconnaitre au nouveau Président cette qualité d'affronter les problèmes tels qu'ils sont, sans fard mais sans crainte.<br /> <br /> <br /> <br /> La SNCF a démontré depuis 15 ans que son ambition n'était que le statu quo, fut-il au prix de tout ou partie du RFN. Le tapis est en train de glisser sous ses roues...
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B
En tant qu'usager il est difficile aujourd'hui de ne pas souhaiter beaucoup de changement. Aux acteurs actuels de trouver des réponses appropriées s'ils veulent conserver leurs positions sinon d'autres auront d'autres propositions...
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S
Usager du train, je demande vraiment qu'on ne me mette pas dans la situation où je doive choisir mon opérateur "pour faire jouer la concurrence", ça ne rime déjà à rien dans l'aérien, ça complique inutilement le choix des horaires, et puis à la fin tous les trains iront à la même vitesse, et quand un train se plantera, il impactera de toute façon tous ses concurrents qui le suivent !<br /> <br /> <br /> <br /> Territorialiser des franchises sera compliqué puisque les territoires sont reliés entre eux. On pourrait bien allotir les TGV Paris Bretagne/Nantes, mais que fait-on alors des TGV intersecteurs<br /> <br /> <br /> <br /> Bon après, c'est pas comme si la SNCF était experte pour pouvoir réserver des trajets un brun compliqué, mais alors avec une concurrence sur le marché, cette perspective s'éloigne encore + !<br /> <br /> <br /> <br /> En tant que citoyen, je demande aussi la garantie ABSOLUE de la maitrise publique des réseaux. ET le service public et la péréquation tarifaire. <br /> <br /> <br /> <br /> Si compromis il doit y avoir, il doit fortement inciter au développement de Régie publique : on sait ce qu'il est advenu pour l'eau quand tout a été privatisé. <br /> <br /> <br /> <br /> Quant au statut, il serait naturel que les personnels le préservent, et sans chantage à la délocalisation. Et quand on voit comment le code du travail est détricoté par ailleurs, élaboré entreprise par entreprise, on peut douter que les salariés du ferroviaire aient une forte envie de perdre ce qu'ils ont acquis au fil des luttes. <br /> <br /> En tant qu'usagers, j'aimerais bien que les idéologues libéraux m'épargnent des semaines de grêve, pour un objectif que je ne partage pas.
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W
Je ne sais pas si j'ai mal compris mais j'ai l'impression que le 3e paragraphe fait en partie peser sur le statut des cheminots la situation actuelle du rail.<br /> <br /> Pourtant je ne suis pas sûr que ce soit eux les fautifs. Il ne me semble pas qu'ils aient eu des augmentations de salaire du même ordre que celles de la facturation du service aux régions (+6%/an).<br /> <br /> De mon point de vue, c'est plutôt les décideurs (État et direction) qui sont à blâmer pour leurs mauvais choix.<br /> <br /> <br /> <br /> En ce qui concerne l'ouverture à la concurrence des liaisons nationales, cette solution me semble être la pire de toutes : on va se retrouver dans une configuration similaire à celle des autocars, avec les lignes rentables exploitées par le privé et les lignes conventionnées que le contribuable va devoir financer, et même encore plus puisqu'il n'y aura plus les lignes "rentables" pour équilibrer les comptes.<br /> <br /> Encore une fois, un bel exemple de privatisation des profits et socialisation des pertes.
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V
Au Royaume-Uni, les procédures d'appels d'offres sont tellement complexes juridiquement et couteuses que le gouvernement central préfère prolonger les contrats en cours plutôt que de lancer les appels d'offres, faute de moyens humains et matériels suffisants. En pratique ils ne peuvent pas gérer plus d'un voire deux appels d'offres par an.<br /> <br /> <br /> <br /> Du coup, cela pose des questions pas évidentes pour les régions françaises : comment gérer le pic de personnel nécessaire durant la période d'appel d'offres ? Faut-il s'appuyer fortement sur des consultants externes (ce que le gouvernement central britannique faisait à l'époque où le planning des appels d'offres était bien plus dense, avec le risque de gros ratages comme cela avait eu lieu sur la WCML). Ou créer un pôle d'expertise au niveau du gouvernement ?
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