Les transports dans le nouveau gouvernement
Le président des autocars
Emmanuel Macron, l'homme qui a porté la loi libéralisant le marché du transport routier de voyageurs en France, et qui en déplacement à Toulouse, s'est demandé pourquoi tant de mobilisation pour une ligne TGV entre Bordeaux et Toulouse alors qu'existe un bon service aérien, a donc été élu président de la République. De prime abord, les transports, au coeur du quotidien de nombreux français, ont non seulement été hors du débat politique pendant la campagne électorale, plus proche du champ de mines que du débat démocratique, mais ils on été aussi considérés sous un angle atypique dans l'action du nouveau chef de l'Etat dans ses précédentes fonctions ministérielles.
Sa prise de position favorable à l'ouverture à la concurrence des services ferroviaires intérieurs a été remarquée en refusant une phase d'expérimentation jugée "hypocrite". Ce qui promet de sérieuses secousses sociales lorsque le projet de loi sera présenté au Parlement...
Restait donc à connaître la composition du premier gouvernement, qui ne durera en principe que jusqu'au résultat des élections législatives, pour évaluer la sensibilité de la question des transports, qu'il s'agisse des besoins de mobilité des voyageurs ou des enjeux du fret.
Un Premier Ministre à la réputation plus que mitigée
Le nouveau Premier Ministre, Edouard Philippe, pour l'instant toujours maire du Havre, suscite lui aussi des interrogations. Dans cet article du Monde, il est rappelé son opposition à la loi de transition énergétique et à la loi sur la biodiversité, et son rôle de lobbyiste du groupe Areva dont il fut directeur des affaires publiques de 2007 à 2010. A la mairie du Havre, il a défendu le maintien de l'une des 4 dernières centrales au charbon de France, et la question des transports urbains reste peu présente dans les débats depuis l'ouverture des 2 lignes de tramways lancées par son prédécesseur.
Verra-t-il un intérêt pour la question des transports par le prisme de l'activité du port du Havre ? Certes, M. Philippe s'est montré favorable au projet de réouverture de la ligne Serqueux - Gisors et au projet LNPN. Il a même qualifié le canal Seine-Nord d'"ânerie" (d'autant qu'il condamne le port du Havre), mais il a dû par discipline de parti, de mettre de l'eau dans son cidre...
Transports et territoires : un trio Hulot - Ferrand - Borne
Décidément, cette élection présidentielle et ses suites ne manquent pas de nous surprendre. Ainsi, Nicolas Hulot a accepté d'entrer au gouvernement comme Ministre d'Etat, chargé de la transition énergétique. Elisabeth Borne, jusqu'alors PDG de la RATP, devient ministre déléguée aux transports auprès de Nicolas Hulot. Enfin, Richard Ferrand est nommé ministre de la cohésion des territoires.
Première nouvelle, il y a un ministère des transports, certes délégué, mais ce n'est plus un secrétariat d'Etat. Cependant, Nicolas Hulot apparaît un peu comme une tête d'affiche pour incarner le renouveau et l'entrée de la société civile au gouvernement, mais par expérience, ces nominations ont été souvent les plus éphémères (le Professeur Schwartzenberg en 1988 ou Jean-Jacques Servan-Schreiber en 1974 n'avaient tenu qu'à peine un mois).
Elisabeth Borne, ancienne Préfete de la Région Poitou-Charentes et qui fut aussi directrice de cabinet de Ségolène Royal au Ministère de l'Ecologie, avait été nommée à la RATP voici tout juste 2 ans. Sa carrière dans le domaine des transports n'est pas mince puisqu'elle fut aussi conseillère de Lionel Jospin à Matignon de 1997 à 2002, directrice de la stratégie à la SNCF de 2002 à 2007. Elle est réputée dans le secteur pour son caractère affirmé, au moins autant que celle du Président de la République et du Premier Ministre...
Enfin, on notera un ministre de plein exercice chargé de la cohésion des territoires, confié à Richard Ferrand, l'une des figures historiques du mouvement lancé par Emmanuel Macron. Aura-t-il son mot à dire sur certains sujets très critiques, comme par exemple le risque de désertification ferroviaire ?
Quelle sera la cohérence ce trio improbable ? Comment Nicolas Hulot assumera-t-il les arbitrages dictés par Bercy (confié au passage au transfuge libéral Bruno Le Maire) ? Quel fonctionnement du tandem Hulot - Borne ? Quelle vision territoriale de la mobilité, pas seulement dans les grandes zones urbaines ?
Quelles orientations sur des sujets aussi sensibles que Notre Dame des Landes, l'écotaxe, les mises en demeure récurrentes de l'Union Européenne sur la qualité de l'air en France, la concrétisation de l'accord de Paris sur le climat vues les positions américaines et évidemment le devenir de la filière nucléaire ?
Et le rôle du train dans la transition énergétique ? Vous croyez qu'il aura sa place ?
Suite au prochain épisode... après les élections législatives ?