Certes, les statistiques sont flatteuses et la presse peut s'en faire les choux gras pour montrer que la libéralisation des autocars "ça marche". A la rigueur, et encore en regardant de loin. Les taux de remplissage sont très inégaux selon les liaisons et les horaires et pour l'instant, les opérateurs sont dans une logique de conquête de parts de marché... jusqu'à un certain point. En une année, on a vu apparaître 5 opérateurs : Flixbus, Ouibus, Isilines, Megabus et Starshipper. Les deux derniers ont déjà baissé pavillon, se contentant d'une sous-traitance pour Flixbus ou Ouibus. Ne restent donc déjà plus que 3 opérateurs, qui, après un an d'activités, réexaminent déjà pour certains leurs services. Contrairement à ce qui était annoncé par le gouvernement, ces liaisons ne viennent absolument pas compléter l'offre ferroviaire, mais la concurrencent. De même, il n'y a aucune logique d'aménagement du territoire puisque seuls les grands axes sont couverts : les villes moyennes n'attirent pas et certaines ont déjà perdu leur desserte, comme Montluçon sur Bordeaux - Lyon.

C'est maintenant sur le plan juridique que se place la bataille : Transdev, propriétaire d'Isilines, attaque Ouibus, donc la SNCF, devant l'autorité de la concurrence pour abus de position dominante, en pointant les régulières recapitalisations de Ouibus par le groupe SNCF alors que les pertes continuent d'augmenter de l'ordre de 15 à 22 M€ par an depuis la création de cette activité. L'équilibre annoncé en 2016 a été reporté en 2017, puis en 2018 et désormais en 2019.

Transdev se pose une question légitime : d'où viennent les moyens permettant au groupe SNCF de recapitaliser régulièrement Ouibus ? Certains ont déjà une piste de réponse : dans les surcoûts des activités conventionnées de la SNCF (TER, TET).

La saisine de l'autorité de la concurrence montre que la concurrence interne au groupe SNCF a quelque chose de structurellement malsain. Transdev en profite évidemment pour tenter de mettre un caillou dans la chaussure d'un opérateur ferroviaire qu'il voudrait challenger sur le réseau intérieur. Quant à Isilines, Transdev annonce un plan de restructuration et de concentration de ses activités.

L'ancien ministre de l'économie se vantait des créations d'emplois liées à son oeuvre, mais on voit déjà apparaître le spectre des licenciements...