Territoire, grande vitesse et ressources

30 novembre 2016

Alors que trois nouvelles lignes vont être mises en service en 2017, il est plus que temps de s'interroger sur la poursuite des programmes de construction de nouvelles infrastructures ferroviaires. La fin du "tout TGV" est claironnée par l'Etat et la SNCF, mais sur le terrain, le devenir du réseau existant continue de poser question avec le retour de la spirale des fermetures. Le sujet a été récemment déporté avec une nouvelle sémantique : la SNCF parle de "mass transit", ce qui revient finalement à peu près au même puisqu'on ne peut nier qu'il existe un fort coefficient de corrélation entre "réseau TGV" et "mass transit", terminologie qui, il est vrai, permet aussi de remettre en selle le réseau francilien qui concentre la majorité des usagers du rail français. Pour l'entre-deux, l'incertitude continue de régner.

Laval - 24 juillet 2016 - La force du TGV français réside dans sa capacité à circuler aussi bien sur des lignes dédiées à 300 voire 320 km/h et sur les lignes classiques électrifiées. Cependant, il a aussi besoin des correspondances sur le reste du réseau et donc du maintien du maillage du territoire. Or la situation économique résultant du fort engouement pour le TGV l'a mis en grande difficulté... sans compter les évolutions du transport routier... © transportrail

Avec 35 ans de grande vitesse, on peut disposer d'un recul suffisant pour examiner forces et faiblesses des choix français en matière de transport ferroviaire. Le TGV est une réussite technique indéniable et il a permis d'éviter le scénario du pire par une forte capacité d'innovation, alors que le produit TGV n'est qu'une optimisation de solutions techniques déjà largement éprouvées. En revanche, l'articulation TGV - territoires suscite plus de critiques et il peut être temps de reposer cette question pour repenser ce lien essentiel à l'attractivité du système de transport comme l'impact sur la vitalité des territoires, qu'ils soient traversés ou desservis.

Enfin, la question des ressources se pose avec acuité : la fuite en avant n'est plus supportable, appelant à une plus grande sélection des projets et une meilleure conception territoriale.

Deux lectures, quelque peu divergentes, ont inspiré ce nouveau dossier de transportrail : l'ouvrage de Michel Leboeuf, Grande vitesse ferroviaire, et le rapport de la Cour des Comptes paru en 2014 baptisé La grande vitesse ferroviaire en France : un modèle porté au-delà de sa pertinence.

Posté par : ortferroviaire à 11:02 - Grandes lignes et TGV - Commentaires [13] - Permalien [#]
Tags : TGV

Commentaires sur Territoire, grande vitesse et ressources

C'est un détail (mais le diable, ...) : je trouve que la présentation, par ailleurs fort complète et judicieuse, laisse de côté le fantasme qui a conduit énormément d'élus locaux à privilégier le TGV pour leur territoire, dans des conditions parfois burlesques (la desserte des Sables d'Olonne en "TGV tracté" !), souvent au détriment des dessertes quotidiennes locales (TER notamment) et avec une vision financière que je qualifierais aimablement de fantaisiste (soit une combinaison de "l'aménagement du territoire justifie tous les blancs-seings" et "l’État et l'Europe paieront").

Leur légèreté, mâtinée de fausse naïveté (puisqu'ils écoutaient sans trop réfléchir les arguments de la SNCF), leur donne une responsabilité certaine au l'heure des comptes. Je me souviens en particulier d'une discussion d'où il ressortait que les aéroports de Lyon et Orly devaient ABSOLUMENT être reliés par une LGV. Je n'ai jamais pu obtenir le moindre exemple de trajet qui auraient pu illustrer l'intérêt d'une telle fonctionnalité.

Aveuglement moutonnier et incantations politiques sous les deux mamelles de la ruine de ce pays...

Posté par Iegou, 30 novembre 2016 à 16:36 | | Répondre
- Juste ! D'où une petite mise à jour en début de propos. Merci !
  
  Posté par ortferroviaire, 30 novembre 2016 à 17:33 | | Répondre
La gare de Lille Europe fait du TERGV, et surtout a une correspondance à pied avec Lille Flandres pas plus longue que celles entre TGV et RER dans les gares parisiennes. Pour les autres gares TGV non reliée au TER, c'est incompréhensible ces situations. Comment ça a pu arriver, pas seulement une fois, mais aussi souvent ? Comment des gens ne peuvent pas comprendre que si on prend le train, la plupart du temps on ne prend pas sa voiture pour y aller ? Il y a des cas d'école à faire sur la prise de mauvaise décision.

Pour les lignes nouvelles, on ne peut plus rien faire avant un bon moment, il n'y a plus d'argent.
L'interconnexion sud pourrait libérer la grande ceinture, mais d'une part j'ai du mal à voir son trajet précis, d'autre part, j'ai beaucoup de doutes sur le fait qu'il faille créer de nouvelles gares à cette occasion, que ce soit à Orly ou à Lieusaint. Chaque gare signifie coût et baisse de la vitesse car arrêt, il y a déjà une gare au sud, c'est Massy, et elle sera reliée à Orly via ligne 18.

Posté par Pascal, 01 décembre 2016 à 10:05 | | Répondre
- Comment a-t-on pu faire autant de gares TGV non connectées ? Mais parce que c'était clairement une volonté affichée et assumée !!!
  
  Posté par ortferroviaire, 01 décembre 2016 à 11:47 | | Répondre
- - Je n'ai aucune idée des arguments qui ont pu être employés pour imposer cette volonté lors de la création de ces premières gares non connectées. Et surtout, je vois encore moins comment cette volonté peut perdurer après que le concept a été invalidé à l'épreuve des faits. Il y a des enquêtes, sur les gens qui prennent ces décisions ?
    
    Posté par Pascal, 01 décembre 2016 à 18:56 | | Répondre
  - - A part ça on vous a dit, pour le Père Noël ?
      
      Posté par Iegou, 02 décembre 2016 à 17:41 | | Répondre
- "Comment des gens ne peuvent pas comprendre que si on prend le train, la plupart du temps on ne prend pas sa voiture pour y aller ?"
  Etes-vous sûr de ce que vous avancez ?
  Même dans une gare de centre-ville, et même dans le centre hyper connecté d'une ville comme Strasbourg, la part des voyageurs y accédant en voiture est loin d'être négligeable.
  S'il faut choisir entre la voie rapide qui donne un accès direct à la majorité de la population de la région et une ligne ferroviaire aux dessertes squelettiques qui ignore les 3/4 des habitants, la SNCF prend ce qui lui rapportera la plus de voyageurs (surtout si elle a prévu de se débarrasser de la ligne régionale, chose plus difficile quand elle est connectée au TGV).
  
  Posté par Jojo, 02 décembre 2016 à 21:27 | | Répondre
- - J'ai l'impression que votre dernière phrase relativise ce que vous écrivez auparavant.
    
    Personnellement, je ne demande qu'à comprendre. En effet, je serais très surpris qu'à la gare de Strasbourg, il y ait plus de gens qui y arrivent en voiture qu'en transport en commun. S'il y a des chiffres, ça m'intéresse. Vu le prix d'un taxi ou d'un parking longue durée, je ne vois pas, disons, instinctivement, l'intérêt de prendre sa voiture dans la majeure partie des cas pour prendre le train. Et en bonne partie car je pense que ceux qui ont une voiture et veulent l'utiliser pour commencer un voyage ont plus vite fait de l'utiliser pour tout le voyage.
    
    Après, je suis peut-être trop marqué comme francilien dont l'arbitrage voiture/RER pour aller à une gare semble souvent à l'avantage de ce dernier, mais ma question est justement de savoir quel est le raisonnement employé par la SNCF ou les élus locaux. Donc les gares non connectées rapportent-elles plus de voyageurs que les gares connectées ?
    
    Posté par Pascal, 03 décembre 2016 à 09:58 | | Répondre
  - - D'autant qu'à Strasbourg, on a plutôt un bon réseau urbain et des dessertes TER relativement conséquentes (enfin... mieux que la moyenne nationale), et des conditions d'accès en voiture qui sont loin d'être de tout repos.
      
      Il y a pas mal de dépose-minute dans n'importe quelle gare, c'est vrai. Mais ne confondons pas tout. Rien n'empêche d'accéder en voiture à une gare disposant d'une connexion ferroviaire... mais accéder en train à une gare non connectée limite de fait l'accès à des modes routiers.
      
      C'est une question d'ordre général : est-ce qu'on considère cohérent de privilégier le mode routier en agglomération ou en périurbain pour accéder à un mode de transport qui cherche au contraire à limiter la part des déplacements individuels motorisés ? Derrière cette question, de vrais sujets d'aménagement du territoire et de dépendance à l'automobile.
      
      Posté par ortferroviaire, 03 décembre 2016 à 11:50 | | Répondre
    - - Il est beaucoup plus facile d'accéder en voiture à une gare comme Lorraine-TGV (au bord de l'A31) qu'à celle de Nancy par exemple. Cela concerne tous les habitants mal desservis en transports en commun...
        Et c'est pire pour les gares comme Meuse TGV ou Haute-Picardie, qui sont très loin d'être périurbaines.
        
        Posté par Jojo, 03 décembre 2016 à 14:08 | | Répondre
Article très intéressant, comme d’habitude. J’adhère assez volontiers à votre analyse.
L’objectif 1er et le grand défi de tout exploitant est de produire moins cher afin d’être en capacité de proposer des tarifs plus abordables et d’attirer un plus grand nombre de clients. La SNCF a su le faire avec Ouigo, selon un modèle économique non généralisable mais dont tout opérateur pourrait s’inspirer fortement (forte productivité du parc, optimisation de l’utilisation du personnel roulant, simplification de l’offre de transport, ventes par internet, …). Avec des économies substantielles sur les frais de structure (qui représentent, je crois, 10% des charges et qu’il serait possible de diviser par 2) et une meilleure organisation, il devrait être possible de réduire les coûts d’au moins 20% par rapport au niveau actuel (hors Ouigo). Une répercussion de ces économies sur les tarifs engendrerait une augmentation significative du trafic. La hausse du trafic combinée à la baisse des charges, amélioreraient considérablement le bilan économique et financier de la grande vitesse ferroviaire, qu’amplifierait encore une plus grande efficacité en matière de lutte contre la fraude.
L’amélioration de la fiabilité « technique » (offre, infrastructure, matériel) et de la qualité du service (régularité, confort, information) doit constituer une autre priorité. La régularité des TGV (et des trains en général), qui constitue un des fondements du transport ferroviaire, fait défaut aujourd’hui. La faute à l’infrastructure, y compris sur LGV même si les incidents sont moins fréquents, qui est insuffisamment entretenue et n’a pas fait l’objet des investissements indispensables, la faute au matériel, dont, peut-être la conception et/ou la maintenance n’ont pas été suffisamment optimisées.
Et puis, on ne peut passer sous silence, une fois de plus, les suppressions liées aux mouvements sociaux récurrents (2016 a été un « bon cru » en la matière comme l’avaient été 2014 et 2011 pour s’en tenir à cette décennie !), qui ont fait fuir, durablement pour certains, définitivement pour d’autres, nombre de clients.
En résumé, les marges de progrès pour améliorer, de façon substantielle, le bilan économique de la grande vitesse ferroviaire (et cela peut s’étendre au transport ferroviaire en général) sont importantes et les pistes nombreuses. Espérons que quelques-unes seront explorées et mises en œuvre très rapidement afin de pérenniser le transport ferroviaire.

Posté par Rail 15, 02 décembre 2016 à 17:46 | | Répondre
- Entièrement d'accord !
  
  Posté par ortferroviaire, 02 décembre 2016 à 19:22 | | Répondre
Pour l’avenir, étant donné la situation du rail en France, la priorité doit être donnée à la remise à niveau et à l’amélioration des performances du réseau classique. Les quelques aménagements à grande vitesse que vous citez pourraient également faire partie des investissements à réaliser à moyen terme. J’y ajouterais la totalité de la LGV PACA au vu des performances, difficilement améliorables, de la ligne actuelle, du potentiel de déplacements qui existe dans cette région et de l’absence de tout itinéraire ferroviaire alternatif.
Si, par bonheur (on peut rêver !), les avantages du mode ferroviaire en matière d’environnement, de réchauffement climatique, d’occupation d’espace, de sécurité, … étaient pris en compte par un futur gouvernement, il y aurait alors utilité à redéfinir le plan de développement des LGV …
Quant à la possibilité de disposer de rames de plus faible capacité, rappelons qu’alstom avait, il y a 20 ans (!) dans ses cartons, une rame de 100m, d’une puissance de 6 mw pouvant accueillir 250 à 280 passagers et circuler à 320 km/h.
La densification des dessertes TGV, indispensable si l’on veut attirer plus de clients vers le rail, passera sans aucun doute par une diversification de la capacité des rames, car la généralisation des rames Duplex, au demeurant fort réussies, est adaptée à un trop faible nombre de relations.

Posté par Rail 15, 06 décembre 2016 à 18:37 | | Répondre

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