Mise à voie unique : une infâmie ?
Frappé d’une carence de ressources depuis plus de 30 ans liée à la fois à des arbitrages nationaux longtemps favorables à la route et privilégiant le TGV, le réseau ferroviaire souffre d’un déficit important en matière de renouvellement. L’audit de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne en 2005 avait jeté un pavé dans la mare et des efforts avaient été consentis pour « rattraper le retard » mais parallèlement, d’importants moyens ont été engagés sur la construction simultanée de 4 lignes nouvelles.
Résultat, on ne compte plus les zones de ralentissements qui fleurissent sur l’ensemble du réseau, et pas seulement sur les lignes les moins circulées, les tristement célèbres UIC 7 à 9, et c’est bien la consistance du réseau qui est menacée, bien au-delà des « sans grades » du réseau : nombre de lignes classées UIC 5 et 6 sont également menacées de sévères ralentissements dans les 5 années à venir. On peut aussi constater la floraison de « LTV » sur des axes tels que Marseille – Nice ou encore Dax – Hendaye qui accumule à elle seule 8 zones de réductions de vitesse !
Entre La Roche sur Yon et La Rochelle - 24 septembre 2015 - Pour à peine 10 trains par jour deux sens cumulés, a-t-on besoin de deux voies ? Vus les moyens disponibles et les perspectives d'évolution du service, une seule voie sera renouvelée : le principe n'allait pas de soi pour les financeurs qui soutenaient un traitement des deux voies sans en avoir les moyens. Nantes - Bordeaux évitera donc le pire... © transportrail
Certes, l’Etat a annoncé 100 M€ supplémentaires par an jusqu’en 2020 pour le renouvellement, mais c’est une goutte d’eau par rapport aux besoins. En 2020, SNCF Réseau disposerait de 3 MM€ contre 2,65 MM€ en 2016. En comparaison, DB Netz, avec un réseau de 34000 km environ (soit 10% de plus que celui de la SNCF), dispose de 5,5 MM€ pour le seul poste du renouvellement !
Outre un manque de moyens (et une efficacité perfectible de l’euro dépensé), le réseau ferroviaire français souffre aussi… d’un manque de trains, et d’une forte disparité d’usage des lignes. Si Guillaume Pépy rappelle régulièrement que 90% du trafic est assuré en Ile de France sur 10% du réseau, à l’échelle nationale, la dissymétrie n’en reste pas moins élevée.
Pourtant, vestige d’une histoire plus glorieuse, nombre de lignes sont toujours à double voie alors qu’elles accueillent tout au plus une quarantaine de circulations par jour, deux sens cumulés. Dans ces conditions, a-t-on besoin de conserver la double voie ?
Les mises à voie unique ne sont pas perçues positivement car assimilées à une régression avant fermeture. Au contraire : la mise à voie unique bien pensée peut être le moyen – a minima – de sauver les meubles voire de constituer un nouveau départ.
Evidemment, ce n’est que sur la base d’une étude d’exploitation et d’une bonne définition du besoin capacitaire, partagé notamment avec l’Etat et la Région, que de tels scénarios peuvent être échafaudés. C’est ce qui s’est passé en mars 2016 sur Nantes – Bordeaux à propos de la rénovation de la section La Roche sur Yon – La Rochelle (10 trains par jour), avec pourtant des a priori négatifs sur la solution proposée par SNCF Réseau : ceux-ci ont été dissipés par une argumentation capacitaire démontrant qu’il était possible de doubler le nombre de circulations sur la ligne avec une seule voie et un seul point de croisement.
Dans son nouveau dossier, transportrail examine quelques cas de mises à voie unique sur le réseau, qu’il s’agisse d’opérations décidées, à étudier ou de quelques occasions manquées.