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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
2 novembre 2015

Montpellier - Perpignan : quelle ligne nouvelle ?

En dépit de son affichage en rupture avec le tout-TGV, le gouvernement continue d'annoncer la poursuite de projets de lignes nouvelles, en dépit des inquiétudes sur les modalités de financement, l'augmentation et la dette et la viabilité des lignes pour les opérateurs (ou plus exactement d'ailleurs l'opérateur). Le 13 octobre dernier, le sommet franco-espagnol a confirmé la poursuite du projet Montpellier - Perpignan selon les modalités suivantes :

  • une ligne mixte de Saint Jean de Védas à Béziers accueillant fret et TGV pour un coût de 1,4 MM€ ;
  • une ligne à grande vitesse de Béziers à Perpignan pour un coût de 4,65 MM€ ;
  • deux gares nouvelles à Béziers et Narbonne en plus de celles déjà en projet à Nîmes et Montpellier soit 465 M€ pour 4 gares en 200 km.

La FNAUT a pointé un schéma paradoxal maintenant un point dur entre Béziers et Narbonne, alors que l'infrastructure nouvelle réservée aux voyageurs n'accueillerait qu'une trentaine de circulations par jour. En revanche, la section Montpellier - Béziers serait censée être empruntée par une centaine de circulations par sens. L'association préconise une ligne nouvelle mixte de bout en bout, autorisant les trains de voyageurs à 250 km/h (plutôt 249 km/h d'ailleurs pour rester sous le seuil des normes de la grande vitesse) avec un écart de temps de parcours de 10 min par rapport au schéma présenté. En revanche, le bénéfice serait plus important en libérant la ligne classique pour améliorer significativement l'offre régionale sans obérer les capacités pour le fret.

Il faut cependant remarquer que la mixité de la ligne entre Béziers et Perpignan serait à mettre au regard des investissements sur le génie civil d'abord, donc sur le coût réel de la ligne mixte sur cette section, et sur la structuration de l'offre ensuite. Ligne mixte ou à grande vitesse entraînerait de toute façon la libération de capacité occupée sur l'infrastructure existante par les trains rapides (TGV et TET). La question est donc de savoir si la ligne classique serait en capacité d'accueillir l'offre TER recherchée en cohabitant avec un fret ragaillardi par rapport à la situation actuelle. Qui plus est, la majorité des circulations concernées par LNMP sont déjà assurées en TGV. Seul devrait être arbitré le cas des Bordeaux - Marseille, mais avec LNMP et GPSO (puisque le gouvernement soutient ces deux projets), il semblerait logique de basculer ces relations en TGV.

Cependant, l'actualité récente invite à la prudence étant donné que les prévisions de trafic à 10 ou 15 ans avant la mise en service demeurent une science particulièrement molle et malléable selon les démonstrations attendues. Sur le cas de l'arc languedocien, il convient d'observer selon plusieurs angles :

  • un fort besoin d'amélioration du maillage régional sur un vaste domaine de Toulouse et Cerbère jusqu'à Avignon et Marseille ;
  • la constitution d'une liaison des métropoles du sud (Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Marseille, Nice) ;
  • l'ouverture internationale et le développement de liaisons vers Barcelone ;
  • l'accélération des dessertes existantes radiales (Paris - Montpellier - Barcelone) et intersecteurs (Lille - Lyon - Montpellier - Toulouse) ;
  • le renforcement de l'attractivité du train notamment sur les longues distances ;
  • l'amélioration des performances du fret sur un axe européen majeur sur lequel le camion demeure prédominant.

Reste la question essentielle de la capacité de financement de l'Etat et des collectivités locales et de la viabilité d'une infrastructure nouvelle dans un contexte marqué par la remise en question du modèle ferroviaire. En particulier, l'avion reste le mode de transport de référence pour les liaisons longue distance entre la France et l'Espagne par un rapport coût / temps de parcours qui reste encore favorable, même avec une ligne nouvelle de Montpellier à Perpignan. Barcelone restera à plus de 4 heures de Paris. En revanche, le train pourrait être notablement plus attractif sur des liaisons depuis Lyon, Montpellier, Marseille et Toulouse vers Barcelone, mais concernant des potentiels de trafic moindres.

On notera que les 4 gares nouvelles sont espacées en moyenne de 50 km, ce qui limite les bénéficies de la très grande vitesse, et pourrait donner du crédit à la proposition de la FNAUT, car cette ligne nouvelle devra obligatoirement contribuer au maillage des villes du littoral languedocien et ne pas se limiter à répartir la desserte depuis Paris entre différentes relations.

Enfin, on s'interrogera évidemment sur les conséquences sur le service de cette ligne nouvelle, notamment sur le prix du billet, élément déterminant de l'attractivité du service. L'expérience de SEA incite à la prudence sur le consentement du public au prix pour bénéficier de la vitesse...

Concernant le fret, l'enjeu est marginalement lié à la ligne nouvelle : le contexte est aussi structurellement défavorable au rail par l'absence de politique de report modal vers le rail. Une augmentation de capacité du mode ferroviaire semble insuffisante sans réel levier de régulation du trafic routier. L'abandon de l'écotaxe, une nouvelle fois, n'en finit pas de faire des dégâts...

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Commentaires
O
Sur le premier point, la contrepartie nécessaire est la mise en place d'une desserte périurbaine soutenue entre Montpellier et Béziers, intégrant un accord sur les coûts d'exploitation pour ne pas reproduire les schémas type Marseille - Aubagne ou Toulouse - Saint Sulpice où la facture pour les trains supplémentaires a rendu leur création particulièrement dissuasive.<br /> <br /> <br /> <br /> Sur les gares, c'est plus complexe : certes, le train ira plus vite à desservir ces gares, mais le voyageur ira-t-il lui plus vite. Entre perdre 20 min mais arriver au centre de Montpellier et mettre 20 min de moins pour arriver à Odysseum et faire 20 min de tram pour rejoindre les principaux équipements de l'agglomération (centre ancien, hôpital, université...), le bilan est neutre. La question porte donc aussi sur la vitesse d'accès aux gares excentrées et sur l'offre de transport local qui les desservira. A Nîmes par exemple, il faut intégrer le délai de correspondance et le parcours en TER, sans compter la valeur socio-économique de la rupture de charge qui joue sur la part de marché d'une offre.<br /> <br /> <br /> <br /> Sur les points 3 et 4, votre analyse mérite que notre article soit complété.<br /> <br /> <br /> <br /> Restent toutefois à identifier les 34 circulations TGV par sens annoncées, ce qui constitue une cible ambitieuse au regard de la quinzaine de circulations par sens TGV / AVE / TET au-delà de Béziers aujourd'hui. L'enjeu sera notamment sur le volume réel des liaisons avec l'Espagne (moins vers Paris que vers Toulouse et Marseille), car la mise en réseau des villes languedociennes et catalanes peut être un atout. Reste à cerner précisément le marché pouvant être capter par le train.
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S
1ère remarque : il faudrait déjà rapidement avancer sur une phasage de la ligne Montpellier jusqu'à l'est de Béziers, puisque tout le monde est d'accord en mixité LGV et fret : c'est la portion de la ligne classique la plus chargée, et où il faut notamment pouvoir fortement développer les TER (Montpellier Sète) dans des proportions incompatible avec le maintien de tous les trafics sur la ligne existante<br /> <br /> <br /> <br /> 2nde remarque : les gares nouvelles. On peut avancer des montants en centaines de millions d'euros pour faire peur, mais quelle serait l'alternative ? Desservir les gares existantes implique alors des raccordements qui couteraient finalement beaucoup plus cher que les gares nouvelles, et qui obligerait par ailleurs à maintenir les TGV sur la ligne existante, les gains de temps ne profitant qu'aux très rares trains directs. La mixité serait alors effectivement impérative, sauf que la mixité implique dans les zones de raccordement, des tunnels, et faire des raccordements en tunnel, n'est sans doute pas le meilleur choix technique<br /> <br /> Si la ligne est faite, le cout des gares nouvelles sera largement payé par les recettes des passagers supplémentaires qu'elles génèreront, sans compter les avantages pour le narbonais et le biterrois. Autrement dit, il y a peut-être un souci pour payer la ligne mais certainement pas les gares. Et il y aura plus de difficultés à financer la ligne sans les gares que la ligne avec les gares<br /> <br /> <br /> <br /> 3è remarque : la mixité. Elle est impérative de Montpellier à Béziers, et peu couteuse. Au delà, il n'en va pas de même, notamment entre Narbonne et Perpignan, à cause des reliefs, qui implique pour une ligne "applatie" (pente faible de 1.25% voir 1.8% mais pas les 3.5% voire 4% du TGV) et donc des tunnels allongé d'une dizaine de km, avec un surcout supérieur au milliards d'euros. Cela en vaut-il la peine ?<br /> <br /> Non, car si les TGV sont sortis de la ligne existante, alors celle-ci retrouve beaucoup de capacité car des prévisions même maximaliste de l'offre régionale n'envisage pas d'aller au delà de 2-3 TER par heure : il reste donc énormément de créneaux quotidiens pour décupler le passage de trains de fret (dont les trafics sont de toute façon à conquérir). Dans ce projet, les trains de fret ne gagne aucune compétitivité avec la Ligne Nouvelle (contrairement au Lyon Turin. Et contrairement aux TGV qui eux peuvent gagner du temps, donc des passagers et réduire leur cout)<br /> <br /> <br /> <br /> 4è remarque : la vitesse, n'ayons aucun tabou. Que gagnerait-on à réduire la vitesse de conception, par exemple de 350 à 250 km/h ? Des rayons de courbures plus petit, mais qui permettrait d'éviter quel obstacle couteux ? Il semblerait que le plus important soit de pouvoir prendre des rampes importantes (donc exclure la mixité), plutôt que de slalommer. Mais slalommer sans rampe (cad la position de la FNAUT, ligne mixte à moyenne vitesse), n'empêchera pas la construction des tunnels<br /> <br /> Enfin sur les couts d'exploitation et les 249km/h : quels sont les trains voyageurs envisagés sur cette ligne ? Des trains venant essentiellement de Paris Lyon ou Marseille : ceux-ci seront donc des TGV : réduire la vitesse ne diminuera pas leur cout et au contraire ralentira la rotation des rames, donc le cout du capital en matériel roulant, le cout de conduite/accompagnement etc...<br /> <br /> Resterait donc la petite dizaine de liaison entre Toulouse et Barcelone pour être à 249km/h si c'est vraiment si avantageux. Et encore, pourquoi cela ne serait pas possible sur une ligne où circulerait aussi des TGV à 320 km/h ? Ceux-ci ne sont pas envisagés en si grand nombre qu'il serait impossible de faire circuler d'autres trains un peu plus lentement<br /> <br /> <br /> <br /> Sur les péages, avec la rêgle d'or, les choses sont désormais claires : SNCF Réseau n'a plus le droit de s'endetter pour financer les grands projets, même sur leur part rentable. Pour que le projet se fasse, il doit donc être financé par la puissance publique à 100%. Ensuite, le successeur de l'article 4 RFF, précise qu'un nouveau projet ne doit pas avoir d'effet négatif sur les comptes, bref que les péages doivent payer les couts d'entretien : avec une trentaine de circulation par sens, et sans nécessité de péage prohibitifs (par exemple des péages au niveau de la LGV med voire de la LGV RR), c'est largement suffisant pour couvrir les couts.
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