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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
25 février 2015

Allemagne : poussée fulgurante de l'autocar

Le 1er janvier 2013, le marché du transport routier de voyageurs a été libéralisé en Allemagne. Jusqu'alors, seules les liaisons non desservies par train pouvaient être créées par des compagnies routières. A l'issue d'une année d'ouverture du marché, 8,2 millions de voyageurs avaient été transportées par autocars. L'année 2014 marque une croissance fulgurante de ce mode de transport puisque 19,6 millions de voyageurs les ont empruntés.

La DB a perdu 120 M€ de chiffres d'affaires en 2013. Le niveau de pertes n'est pas encore connu pour 2014 mais la DB annonce réagir en développant ses propres services. Elle assurait sur 25 lignes pas moins de 150 rotations : elle devrait quadrupler son offre d'ici fin 2016.

En moyenne, l'autocar est 3 fois moins cher que le train, même à la dernière minute, et la perte de temps est en moyenne de 30 minutes par rapport au train. D'après une enquête réalisée auprès des clients de l'autocar, 76% d'entre eux l'ont choisi pour le prix du voyage.

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Cologne Hauptbahnof - 14 septembre 2013 - Les relations Intercity de la DB dispose d'un matériel relativement récent tracté par des locomotives puissantes et véloces. Le produit est peut-être appelé à évoluer pour tenir compte des nouvelles attentes du public, focalisées sur le prix du voyage. © transportrail

Les autocaristes misent aussi sur les services à bord, notamment le Wifi, une bibliothèque de films et de musique à bord et une certaine souplesse sur les bagages puisqu'ils admettent 2 valises et un sac sans supplément. Les gros colis ou les vélos sont acceptés moyennant une surtaxe de 9 €.

La croissance du marché a aussi entraîné une restructuration du secteur. La compétition sur les prix a fait des dégats et certaines compagnies ont abandonné leurs prestations. C'est notamment le cas de City2City, filiale allemande du groupe britannique National Express. Actuellement, 2 compagnies détiennent 67% du marché du transport par autocar en Allemagne.

La DB souhaite donc renforcer sa présence sur les routes afin de conserver des parts de marché quitte à changer de mode de transport. Elle considère cependant que la concentration du secteur aura à terme pour effet d'augmenter les prix et de réduire le périmètre des dessertes aux axes les plus rentables. Au Royaume Uni, National Express est en quasi monopole depuis la dérégulation complète mise en place en 1985.

Ce regard sur le marché allemand prouve que même avec un réseau ferroviaire relativement performant et proposant une offre soutenue, le train peut être fortement bousculé par l'autocar dans une période où les clients changent de paradigme et fondent leur choix d'abord sur le prix et ensuite le contenu de la prestation. Pour les compagnies ferroviaires, cela veut dire que la logique de différenciation par la vitesse - et accessoirement le confort - ne suffit plus d'autant plus qu'elle conduit à des investissements difficilement mobilisables en période de vaches maigres et à des coûts d'exploitation élevés qui se répercutent ipso facto sur le prix du billet. Cela ne veut pas dire que la vitesse n'a plus d'avenir, mais qu'elle est de moins en moins un facteur décisif dans le choix modal des voyageurs.

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Berlin Hauptbahnof - 28 septembre 2014 - Entrée d'un ICE2 circulant sur la Stadtbahn (avec en prime la tour de l'ancienne télévision est-allemande dans le cadre) : les tarifs occasionnels des trains rapides allemands souffrent de la concurrence brutale des autocars. © transportrail

Dans le cas français, la libéralisation de l'autocar, qui devrait être effective cet été après le passage au Sénat puis le retour à l'Assemblée Nationale de la loi Macron, pourrait avoir des effets encore plus rapides et plus violents sur le transport ferroviaire compte tenu de la fragilité du système ferroviaire français, d'un réseau en état médiocre aux offres souvent peu attactives du fait d'une focalisation sur la grande vitesse qui, si elle a au moins pendant 30 ans permis de sauver le transport ferroviaire, voit ses effets s'essoufler et balayés par une évolution radicale du comportement des clients.

Il est donc grand temps de se pencher sur un autre modèle économique pour le transport ferroviaire, déjà malmené en France par le transport routier dans le domaine des marchandises, avant que l'autocar ne raffle la mise ce qui sera plus facile de ce côté-ci de la frontière compte tenu de l'état de l'offre, proposant soit un TGV rapide mais onéreux (sauf conditions tarifaires spécifiques mais contraignantes) et des lignes classiques à l'offre périclitante. Mais les moyens à consentir sont élevés et les ressources quasiment nulles.

Fallait-il se précipiter sur la libéralisation de l'autocar : assurément non. Mais stratégie politicienne et stratégie ferroviaire font rarement bon ménage...

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Commentaires
Z
Je suis au regret de vous confirmer que les subventions versées par l'Etat, les régions, etc à la SNCF représentent 13 milliards d'euros par an.<br /> <br /> Vous pouvez le vérifier sur le site des Comptes des transports de la Nation..<br /> <br /> <br /> <br /> Et n'y sont pas pris en compte le fait que le gazole des autorails est détaxé contrairement à celui de la voiture de M. tout le monde et que les employeurs sont obligés de rembourser la moitié des abonnements de train des salariés qui se rendent en train à leur travail, ce qui est également un prélèvement obligatoire.<br /> <br /> <br /> <br /> Quant au fait que le train aurait un bilan socio économique toujours favorable cela me semble être plus une conviction qu'une affirmation étayée. Sans doute avez vous des chiffres qui le montrent ? <br /> <br /> <br /> <br /> Les projets les plus récents de TGV - pourtant "capacitaires" - sont contestés sur ce point. Alors les centaines de TER qui circulent tous les jours en apportant certes un service souvent de qualité à leurs usagers mais à un coût pour la collectivité très élevé n'ont pas forcément un bilan très positif. Ainsi en termes d'accidentologie : le car ( pas la voiture ) est le mode de transport qui tue le moins. De même en termes de pollution un car consomme environ 0,6 l de gazole par passager aux 100 km contre environ 1 l pour un petit autorail. Quant à la pollution on n'en parle pas : les moteurs ferroviaires en sont encore aux normes de 2004 pour les particules fines. Il est vrai qu'en France l'électricité utilisée est beaucoup moins émettrice de gaz à effets de serre que la moyenne européenne - grâce aux centrales nucléaires - mais toutes les lignes sont loin d'être électrifiées.<br /> <br /> <br /> <br /> Il est vain de penser que des modes sont bons et d'autres mauvais, par nature. Le chemin de fer était archi dominant au début du XXe siècle mais d'autres modes plus souples et souvent plus efficaces sont apparus depuis.<br /> <br /> <br /> <br /> Quant à votre idée que la majorité puisse m'imposer mon choix pour me déplacer c'est une conception de la démocratie qui me semble quelque peu attentatoire à ma liberté et restrictive par rapport au droit au transport qui " permet aux usagers de se déplacer dans des conditions raisonnables d'accès, de qualité et de prix ainsi que de coût pour la collectivité, notamment par l'utilisation d'un moyen de transport ouvert au public." ( extrait de la loi) que vous affirmez.défendre.
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S
Le train ne coute pas 13 milliards d'euros par an (à fortiori si on sort du périmètre ce qui, en autocar, nécessiterait aussi des subventions)<br /> <br /> <br /> <br /> L'autocar est loin d'être neutre pour la collectivité et les finances publiques en usure de l'infrastructure, accidentologie, pollutions etc...<br /> <br /> <br /> <br /> Le bilan socio eco du train est favorable : il est donc logique que ce choix puisse relever de la puissance publique, ie d'une opinion publique majoritaire qui s'impose alors à tous les voyageurs sur les aces concernés.
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Z
A Sp.<br /> <br /> <br /> <br /> Raisonnement qui pourrait se tenir - et encore (pourquoi empêcher des personnes qui préfèrent prendre un car qui ne coûte rien à la collectivité si elles y trouvent leur intérêt - lisez les sites et vous verrez que les clients des cars apprécient non seulement le prix mais aussi la propreté des cars et le Wi-Fi...) si le système ferroviaire était "viable économiquement ". <br /> <br /> <br /> <br /> Mais il coûte 13 milliards d'euros par an aux contribuables.<br /> <br /> <br /> <br /> Il faudrait que les trains soient plus de deux fois plus remplis qu'ils ne sont ( ou les billets et abonnements beaucoup plus chers) pour que le phénomène que vous décrivez soit réel.
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S
Vous vous contredisez par rapport à votre article... Sauf à nous expliquer qu'après la France, l'allemagne aurait aussi sombré dans le "tout tgv" ou le "tout ice" (ce qui au demeurant est factuellement faux en France : la majorité des trains.km et même des sieges.km ne sont PAS des tgv même si la majorité du trafic (en passager.km) est tgv)<br /> <br /> <br /> <br /> Vous avez une conception bien rétrograde du service public en considérant que c'est l'usager qui s'adapte....<br /> <br /> <br /> <br /> En l'occurence dans le service privé ou en privatisation actuel, quelques clients choisissent l'autocar ("ON" ne s'y engouffre pas), brise la massification nécessaire au ferroviaire pour être viable économiquement pour tous, et réserve finalement ce mode à une minorité aisé, et tous les autres voyageurs sont alors contraints à l'autocar faute d'offre ferroviaire accessible (y compris tgv puisque celui ci est plus économique à "produire" là où existe des lgv)
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S
Peut etre que si on parlait d'usagers (et non de clients) à qui la puissance publique doit garantir le droit au déplacement dans de bonnes conditions, rapides, confortables et écologiquement responsables, nous n'en serions pas à nous demander pourquoi les moins favorisés en arrivent à preférer ce qui n'est ni plus ni moins qu'une troisième classe, dans un système totalement dérégulé.<br /> <br /> <br /> <br /> Le ferroviaire nécessite de massifier les trafics, non de différencier les modes. Et donc "le progrès ne vaut que s'il est partagé par tous".<br /> <br /> <br /> <br /> Quant à la vitesse, il est indéniable que bien des usagers restent dans leur voiture, pourtant plus cher, car de porte à porte, elle est le mode le plus rapide
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Z
Au Japon il existe aussi des cars, même entre le Kansaï et Tokyo.<br /> <br /> C'est un transport low-cost.
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V
Ce qui m'étonne toujours, c'est que par exemple le Japon n'a pas ce genre de problèmes... même avec des trains vraiment plus chers que le TGV et l'ICE, les trains restent largement rentables et très utilisés !<br /> <br /> Mais d'un autre côté, on dirait que l'attractivité de train est inversement proportionnelle à la densité de population : le train est plus attractif au Japon qu'il ne l'est en Allemagne et en France, où il est beaucoup plus attractif qu'aux Etats-Unis et encore pire qu Canada (dans ces 2 pays, c'est quasiment de l'acharnement thérapeutique à coup de subventions qui s'amenuisent, et pourtant le train est beaucoup plus confortable que l'autocar).
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