SEA : le schéma de desserte chahute le financement
A l'approche des élections départementales de mars et régionales de novembre, la question des grands projets devient un peu plus encore un sujet épidermique dans les débats politiques, et l'occasion de prises de position radicales. Les débats sur le schéma de desserte avec la mise en service de la LGV SEA en 2017 s'avèrent explosifs puisque nombre de collectivités locales avaient conditionné leur contribution à des objectifs de desserte en nombre de trains et en temps de parcours. Des promesses évidemment antinomiques entre elles.
Il y a d'abord ce différend entre Poitiers et La Rochelle. Cette dernière avait conditionné sa participation à des objectifs de desserte qui ne pourraient être atteints qu'en "sautant" Poitiers, ce que cette dernière n'admet pas. L'observateur avisé notera aussi que les TGV Paris - La Rochelle assurent la majorité des relations entre Poitiers et La Rochelle, la trame TER étant des plus limitées. On notera aussi que Poitou-Charentes ne contribue pas au financement de la LGV après la décision de son ancienne présidente, qui est aujourd'hui ministre de l'écologie.
Même chose en Charente où le département a retiré sa contribution de 7,3 M€ au projet du fait du projet de desserte qui réduit l'offre à Angoulême de 4 trains par jour et par sens, soit 7 TGV pour Paris au lieu de 11 actuellement. Même chose à Cognac, qui n'est pas sur le tracé mais qui espère des retombées via les correspondances ou par une hypothétique électrification de la ligne Angoulême - Royan. Idem en Charente Maritime, où le Président du Conseil Général n'est autre qu'un ancien ministre des transports qui a porté le projet et son mode de financement. Même mouvement en Gironde où les 40 M€ de contribution du département et les 500 000 € de l'agglomération de Libourne sont remis à zéro après l'annonce d'une desserte à 3 allers-retours au lieu de 5 dans cette ville. Qui financera ces retrait ? La dette ?
Parallèlement, la SNCF rappelle qu'elle n'a rien contractualisé sur les dessertes et continue de marteler son discours sur la hausse des péages qui justifie selon elle de revoir à la baisse les dessertes pour éviter de dégrader les comptes de l'opérateur dans un contexte de concurrence ragaillardie de la route et de forte sensibilité de la clientèle au prix. C'est l'argument mis en avant par l'entreprise pour expliquer la diminution des dessertes tout en expliquant que l'introduction de rames Duplex maintiendra la capacité proposée depuis chaque gare. Les 800M€ de péages supplémentaires entre 2014 et 2020 liés à l'ouverture des 4 lignes nouvelles (SEA, BPL, Est phase 2 et CNM) sont en ligne de mire en pointant la responsabilité du manque de financement des collectivités locales et de l'Etat.
C'est aussi ignorer la hausse du coût au kilomètre de LGV qui doit tenir compte de normes nettement plus sévères qu'aux origines (le kilomètre de SEA est 3 à 4 fois plus cher que celui de Paris - Lyon, déduction faite des effets de l'inflation), des multiples demandes locales liées à l'insertion paysagère et environnementale allant parfois au-delà des normes voire du raisonnable, des coûts de maintenance accrus du fait de la vitesse (20 à 25% d'écart en passant de 300 à 320 km/h) et d'un trafic par nature décroissant quand on s'éloigne du "coeur de réseau".
Or ces deux derniers étant en forte interaction puisque la maintenance n'est que partiellement dépendante du trafic et d'abord fonction du niveau de performance. SEA accueillera environ la moitié du trafic de la LGV Atlantique actuelle et les frais fixes à amortir sont indépendants du nombre de circulations. Le niveau de performance attendu est devenu inversement proporitionnelle à la densité du trafic puisque les LGV aptes à 320 km/h sont moins circulées que celles autorisant une vitesse de 300 km/h. Ce n'est pas totalement incongru puisque plus la vitesse augmente, plus l'espacement entre les trains augmente (fonction de la distance de freinage), plus on restreint le débit de l'infrastructure, sauf à avoir des trains parfaitement identiques d'une circulation à l'autre, or le jeu des arrêts intermédiaires entraîne mécaniquement des écarts de vitesse.
Pas un mot non plus sur les pistes de productivité interne, qui pourraient atteindre 25% du coût de production actuel...