Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
20 octobre 2014

Lyon - Turin : la France confirme

Indispensable : c'est le mot employé par le Premier Ministre Manuel Valls à propos de la liaison Lyon - Turin. Le dossier devrait être présenté, au plus tard le 26 février prochain, en vue d'une reconnaissance par l'Union Européenne du caractère de grand projet éligible au fonds du mécanisme pour l'interconnexion en Europe, doté à terme de près de 27 MM€ de crédits.

Indispensable mais avec une opposition qui n'a jamais été aussi forte, et des critiques qui sont appuyées par les différents rapports publiés, le dernier en date étant celui de la Cour des Comptes qui se penche sur la rentabilité réelle des lignes nouvelles, et la situation budgétaire des Etats membres (dont la France et l'Italie) mais aussi du système ferroviaire français.

Dans notre précédent billet sur le sujet Lyon - Turin, le 18 décembre 2013, nous évoquions l'écart entre la situation de référence à la genèse du projet et la réalité de la situation actuelle. Quelques chiffres aideront à affiner ce point de vue.

  • Entre 2005 et 2012, le trafic de poids lours entre la France et l'Italie a baissé de 22%.
  • Sur le "corridor D" du réseau ferroviaire trans-européen, ne circule qu'un seul aller-retour entre Barcelone et Milan, assuré par HUPAC.
  • La ligne actuelle de la Maurienne n'est pas saturée : 2,7 Mt annuelles transportées en 2012 contre 10 Mt en 2001.
  • Le profil difficile de la ligne actuelle n'est pas un handicap à la performance du transport ferroviaire si on la compare aux lignes suisses : sur les lignes historiques du Lotschberg et du Gothard, on comptait 165 trains de fret / jour avant l'ouverture du tunnel de base du Lotschberg et le tonnage annuel atteignait 17 Mt sur cette ligne. Deux types de train étaient formées : 1700 t avec une UM de Re4/4 en tête et une Re4/4 en pousse, ou 2000 t avec une "Re20/20" composée d'une UM de Re6/6 en tête et d'une UM de Re4/4 en queue. C'est bien par la saturation de la capacité de l'infrastructure qu'est apparu le besoin d'une ligne nouvelle, plus que par l'inaptitude structurelle de l'itinéraire au transit de fret. Côté français, c'est donc plus la médiocre qualité du service ferroviaire et surtout la désindustrialisation des économies française et italienne qui a généré la chute - tous modes confondus - du trafic fret en Maurienne.
  • Le modèle économique des déplacements de voyageurs est à réexaminer au vu du développement important du trafic aérien low cost. Dans les conditions actuelles, le rail peut-il supporter économiquement les 7 allers-retours Paris - Milan et les 4 allers-retours Lyon - Milan annoncés dans le projet de la Transalpine ? Les bénéfices sur les liaisons françaises intérieures (desserte de Chambéry, Grenoble et Annecy) suffisent-ils à justifier la ligne nouvelle ? L'essor des TERGV envisagé au début du siècle est-il toujours d'actualité vue la situation pécunière des Régions ?

Mais surtout, on soulignera que les 26 MM€ de ce projet pourraient apparaître indécents par rapport à la situation actuelle du réseau ferroviaire français. Les 100 M€ engagés pour la poursuite des travaux de reconnaissance sous les Alpes représentent 5 fois la dépense nécessaire pour maintenir le réseau capillaire de fret en France, qui contribue à plus de 75% du rôle du rail dans le transport de marchandises en France...

Dans notre billet du 18 décembre 2013, nous indiquions que Lyon - Turin arrive peut-être trop top par rapport à la réalité de la situation. Peut-être est-ce finalement trop tard ?

Publicité
Publicité
Commentaires
I
On n'arrête pas, on fait trainer les choses jusqu'au gouvernement suivant.<br /> <br /> <br /> <br /> Et puis on étale les plannings (2030-2050, désormais), et puis on ajournera provisoirement, avant que, à la télévision, au détour d'une phrase, un ministre achève le projet d'une phrase lapidaire.<br /> <br /> <br /> <br /> (toute ressemblance avec les déboires récents d'écomouv est parfaitement volontaire)
Répondre
P
On est tous d'accord, c'est le plus cher des GPII. Comment on arrête ça ?
Répondre
T
Ce projet est indécent lorsqu'on ramène son coût aux trafics gagnés et lorsqu'on voit dans quel état se situe le réseau ferroviaire français par ailleurs...<br /> <br /> -saturons la ligne historique Dijon-Modane<br /> <br /> -modernisons les lignes menacées de fermeture faute d'entretien<br /> <br /> -désaturons les noeuds ferroviaires<br /> <br /> -augmentons la puissance des installations électriques sur le réseau<br /> <br /> -faisons des vrais RER dans les grandes aires urbaines (pr info, la Région Rhône Alpes n'a toujours pas trouvé l'argent pour financer les rames du RER CEVA...)<br /> <br /> -connectons correctement les grands aéroports au réseau régional<br /> <br /> <br /> <br /> Bref mettons le réseau à niveau, faisons tout ce qui est nécessaire pour améliorer la mobilité du quotidien et on pourra ensuite se permettre de rêver à un projet comme le Lyon-Turin
Répondre
I
Il faut quand même se rappeler que ce projet n'est ni en faveur du développement des relations internationales voyageurs (sinon on aurait shunté Chambéry) ni en faveur du Fret (qui n'en pas besoin, comme écrit dans l'article).<br /> <br /> <br /> <br /> C'est un "truc" supposé marquer le rapprochement de la France et de l'Italie sous l'égide de l'Union européenne. Ca fait quand même cher du symbole...
Répondre
S
Si abandonner le lyon turin permettait de redistribuer 26Md€ sur le système ferroviaire francais, l'occasion serait á saisir.<br /> <br /> Mais ce serait lacher la proie pour l'ombre, l'histoire récente montrant où passent les économies sur l'abandon des grands projets ferroviaires : elles quittent le système ferroviaire !<br /> <br /> <br /> <br /> Ensuite, il ne s'agit pas de 26 milliards pour la france concernant ce projet international composé d'une section francaise d'accès (avec plusieurs tunnels), d'un tunnel international (minoritairement financé par la FRance, le reste par l'UE et l'Italie) et d'une section italienne (non financée par la France).<br /> <br /> Bref ces 26md€ ne sont pas tous francais. Ils englobent aussi un investissement de désaturation du noeud ferroviaire lyonnais au travers du cfal (contournement ferroviaire de l'agglo lyonaise qui permet d'acheminer les trains de fret du nord et de la vallée du rhone vers le lyon turin mais servira aussi au fret entre le nord et la vallée du rhone, ainsi qu'une meilleure desserte voyageur de lyon st exupery et l'accélération de lyon amberieu). Sans cfal, les autres investissements de désaturation du nfl devront etre plus ambitieux, et s'agissant d'aménagements souterrains, pas sur que cela fera des économies.<br /> <br /> <br /> <br /> Bref, les 100 million d'€ dans cette galerie "engage" la France dans 3 à 4 Md€ de financement d'un tunnel international.<br /> <br /> Car pour le reste, la commission mobilité 21 s'est jugé compétente pour reporter en priorité 2 (2030-2050) l'accès français et le cfal. <br /> <br /> <br /> <br /> A noter aussi que comparer la situation d'aujourd'hui de la maurienne à 2001 du point de vue fret sans tenir compte de l'explosion existante et à venir des ter (à moins de vouloir des cars...), ne permet pas de sérieusement conclure sur la non saturation de la ligne
Répondre
P
Si quelqu'un peut m'expliquer pourquoi le projet continue à avancer alors que tous les signaux sont au rouge et que la France croule sous les dettes, je suis preneur. Les politiques qui défendent ce projet continuent à asséner des arguments auxquels plus personne ne croit. Ils oublient l'essence de leurs missions d'élus qui est de savoir écouter, réfléchir, juger en âme et conscience, et aussi accepter de pouvoir se tromper. Ils sont une insulte à la démocratie et à la noblesse de l'engagement politique.
Répondre
T
De surcroît, ces 26 Mds€ seraient bien plus utile même pour la LGV Bordeaux-Toulouse et la LN Paris-Normandie (env. 20 Mds€ cumulés), sans compter les immenses besoins des nœuds ferroviaires, ou pour l'allongement des quais permettant d'accueillir plus de passagers à infrastructure identique : à St-Lazare par exemple, où l'allongement des quais à 400m permettrait des trains de 2000 à 2300 places -UM3 de Regio2N extra-longs-, voire 2600 à 3900 en incluant les passagers debouts -sur Mantes-Paris- ; de plus, cela rendrait l'accès possibles aux stations Europe (ligne 3) et Liège (ligne 13), et inciterait les passagers à mieux se répartir le long de la rame (ce qui n'est pas le cas aujourd'hui).<br /> <br /> <br /> <br /> Ce projet n'est par ailleurs plus en phase avec le contexte économique actuel ("crise" budgétaire, effondrement du fret transfrontalier, ...), même si les gains de temps sur Milan pourraient être intéressant (les hommes d'affaires pourrait utiliser de préférence le train, si les services proposés sont plus importants que ceux de l'avion : WiFi, repas à la place, etc.). <br /> <br /> 7 A/R par jour ne semblent pas excessifs, mais pourraient être fragiles. <br /> <br /> Si possible, il faudrait coupler l'offre Lyon-Milan et Paris-Milan, en améliorant la traversée du nœud lyonnais, cela inciterait l'opérateur du service (la SNCF vraisemblablement) à ajouter des fréquences supplémentaires (peut-être 8 à 9 A/R), avec en plus la possibilité de coupler cette desserte avec celle de la vallée du Rhône via la ligne classique, avec un coupe-accroche de deux TGV Duplex à Lyon Part-Dieu (si c'est possible).<br /> <br /> Pour les TERGV, il faudrait trouver une tarification intermédiaire entre les TER et les TGV, mais pas sur le modèle du Nord-Pas-de-Calais. En hiver, une telle desserte aurait assurément du succès, avec les Lyonnais qui partent à la neige, et même en été. Mais cela serait surtout du saisonnier et des voyages pour un week-end (je ne connais pas les mouvements pendulaires de la "Grande Couronne Lyonnaise"). Peut-être en achetant des rames de 450 places, avec une vitesse maximale de 250 km/h (type New Pendolino), on pourrait assurer une desserte importante en hiver (un train par heure vers Bourg-St-Maurice/Modane, et un par heure vers Grenoble), ces mêmes rames pouvant effectuer des TERGV sur Lyon-Marseille/Montpellier, ou sur la côte d'Azur pendant l'été. Cependant, l'arrêt ne pourra pas être marqué ni à Bourgoin-Jallieu, ni à La Tour-du-Pin (que dans un seul sens), ni à Pont-de-Beauvoisin...
Répondre
Publicité