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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
18 décembre 2013

Lyon - Turin : faut-il y aller ?

Peut-on sérieusement envisager de reporter sine die la réalisation du projet de liaison France - Italie envisagée depuis le début des années 1990 ? La combinaison d'infrastructures nouvelles dédiées à la grande vitesse pour les trains de voyageurs, de sections dédiées au fret notamment pour éviter la zone de Chambéry, et d'un tunnel de 53 km reste-t-elle en phase avec la réalité des trafics, des perspectives et surtout des besoins ?

La question se pose de plus en plus sèchement. Il y a évidemment la conjoncture économique, mais aussi l'état des finances des deux pays, pour lesquels l'investissement de 26 MM€ peut apparaître comme complètement déraisonnable. Ferroviairement parlant, c'est environ deux fois le coût de la rénovation de l'intégralité du réseau ferroviaire français.

Il y a aussi les constats : le trafic fret entre les deux pays n'a cessé de diminuer depuis 20 ans, d'une part par l'amélioration continue des itinéraires traversant la Suisse (sur l'air "pendant qu'on réfléchit, eux, ils creusent"), mais aussi l'évolution, pas très favorable, de la situation de l'industrie en France en Italie qui diminue la demande. Si on ajoute à ces deux éléments une concurrence encore plus farouche du transport routier, même après la catastrophe du Mont Blanc, peu d'arguments plaident en faveur du Lyon - Turin.

Or ce projet a d'abord été conçu dans la perspective d'une augmentation sensible du trafic marchandises transitant par le rail : souvenons-nous de la célèbre prophétie de 1998 du doublement du tonnage transporté, annoncé par le ministre français de l'époque. Si le facteur 2 a bien été réalisé, c'est non pas par une multiplication mais par une division qu'il a été opéré. La Maurienne n'est plus un axe fret majeur dont les capacité résiduelles sont insuffisantes par rapport à la demande. Quant au trafic voyageurs, la barrière alpine persiste dans les esprits et crédibilise la solution aérienne.

On pourra rétorquer que la situation était à peu près semblable pour le tunnel sous la Manche... à ceci près que le trafic voyageurs Paris / Bruxelles - Londres était intrinsèquement plus fourni que le trafic entre Lyon et l'Italie du nord (étant entendu que l'avion restera plus compétitif pour les liaisons avec Paris), et qu'il en était de même avec les marchandises. Ainsi, selon l'économiste Rémy Prud'homme, l'écart entre les deux projets varie de 1 à 14 pour le trafic passagers et de 1 à 3 pour les marchandises.

Dans ces conditions, une évolution du coût du projet, initialement autour de 16 MM€ puis désormais de 26 MM€, devient problématique dans un contexte de finances rares. La Cour des Comptes s'est régulièrement penchée sur ce projet en pointant ses méfaits sur les finances publiques. Le rapport de la commission Mobilités 21 a contourné l'obstacle en rappelant que Lyon - Turin fait l'objet d'un protocole international.

Alors que conclure ? Lyon - Turin est-il un projet mort-né ? Probablement pas. La liaison se fera car c'est un emblème européen, le fameux "maillon manquant" entre les réseaux ferroviaires à grande vitesse de l'Italie, de la France, de l'Espagne, du Royaume Uni et du Bénélux, et on sait que dans toute décision politique, la part du symbolique l'emporte sur la rationalité technico-économique. Mais l'échéance risque probablement de reculer au fil du temps, pour ménager les finances publiques, tempérer les oppositions dans le val de Suse : bref, la flamme sera moins intense, mais ne sera pas éteinte.

En attendant, la ligne de la Maurienne attend de retrouver l'intense activité fret qui était la sienne à la fin des années 1990.

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Commentaires
V
Mais pourquoi avec l'enveloppe, ne forerait-on 1 galerie et son accès à bi-voie sous le :<br /> <br /> - Mt Genèvre ? liaison Marseille-Turin !<br /> <br /> - " Blanc ? " Genève - " et Milan !<br /> <br /> - PtStBernard ? " Chambéry - Aôste !<br /> <br /> L'ouverture de lignes locales Breil - Ormée , Chorges et Digne-Coni via Barcelonnette ,<br /> <br /> Grenoble - Briançon , Evian - St Gingolph , Digne - Nice en écartement standart ...
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3
Une précision : 26 milliards c'est :<br /> <br /> <br /> <br /> -le tunnel international (à 8 à 9 milliards, donc du même ordre que le tunnel sous la Manche ou le Gothard)<br /> <br /> -les accès Italiens<br /> <br /> -les accés coté RA (utile aussi pour les TER et les TGV vers la Savoie)<br /> <br /> -les tunnels à 2 tubes sous Chartreuse et Belledonne (rappel la DUP pour l'instant, c'est sur un seul tube)<br /> <br /> -un contribution au CFAL<br /> <br /> - ... et une ligne TGV Lyon Chambéry (6 voies donc !)<br /> <br /> <br /> <br /> Les 26 milliards c'est donc un peu l'épouvantail !<br /> <br /> <br /> <br /> Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas s’interroger sur ce qu'il y a lieu de construire, mais avec les vrais chiffres.<br /> <br /> <br /> <br /> François<br /> <br /> <br /> <br /> PS : Très bien ces 2 blogs !, Plein d'infos intéressantes, Merci et bonne continuation
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T
si notre réseau ferroviaire était en bon état et qu'on avait pas 5000km de lignes menacées, si les étoiles ferroviaires autour des grandes villes étaient bien vivantes, si à Lyon, Marseille, Lille, il y avait de vrais RER comme dans les autres villes européennes, si l'augmentation du trafic fret ferroviaire menaçait de saturer la ligne historique, si on avait une taxation incitative du transport routier pour limiter le transit comme l'écotaxe, si la liaison aérienne Lyon-Turin était à saturation alors oui on pourrait se permettre le luxe de dépenser 25 milliards pour un projet comme celui du Lyon-Turin.<br /> <br /> Seulement voilà toutes ces conditions n'existent pas.....<br /> <br /> <br /> <br /> Dans l'immédiat et après avoir justifié pour des raisons de sécurité le creusement d'une galerie de secours sur le tunnel routier, on s'apprête à officialiser le doublement du tunnel routier du Fréjus....
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