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transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires
14 novembre 2013

Pourquoi l'écotaxe est indispensable

La mise en oeuvre de l'écotaxe est en train de tourner au feuilleton politique au point qu'elle pourrait faire chuter le gouvernement après avoir fait tomber quelques portiques sur les simili-autoroutes bretonnes. Le sujet suscite beaucoup d'intérêt chez nos voisins, notamment en Suisse et en Allemagne où un principe similaire a été mis en oeuvre en faisant beaucoup moins de vagues.

Ainsi, en Suisse, la redevance acquittée par les poids lourds depuis 2001 est née après un référendum d'initiative populaire dans les années 1980, aboutissant à la "RPLP" (Redevance pour les Poids Louds liée aux Prestations). Celle-ci sert à financer l'entretien et la modernisation du réseau routier pour le tiers de ses recettes, tandis que les deux tiers abondent les crédits destinés à l'amélioration du réseau ferroviaire. Depuis 2001, tout véhicule de plus de 3,5 tonnes doit s'acquitter de la RPLP. Seuls sont exonérés de cette taxe les véhicules agricoles et militaires. Son barème prend en compte le tonnage du véhicule, sa catégorie de pollution (Euro 1 à 5) et le kilométrage parcouru. Ainsi, un camion peu polluant (Euro 5) de 18 tonnes devra payer 33 € pour faire 100 km. Un camion au moteur plus ancien devra lui payer 45 € du fait d'un taux d'émissions polluantes plus élevé.

La RPLP rapporte 1,2 MM€ par an, répartis à raison d'un tiers pour l'entretien du réseau routier et deux tiers pour le programme d'amélioration du réseau ferroviaire, notamment l'augmentation de capacité des noeuds et lignes saturées mais aussi les nouvelles liaisons ferroviaires alpines, au profit du fret.

La seule mise en oeuvre de la RPLP a permis de diminuer de 10% environ le nombre de camions circulant sur les routes suisses. La RPLP est in fine payée par le client du transport routier, puisqu'elle est répercutée dans le prix de la prestation de transport. Quant au consommateur final, en moyenne, l'écart constaté sur les prix est de l'ordre de 0,11%.

Alors qu'en France, l'avenir du réseau ferroviaire est à nouveau en question avec la menace de fermeture de plusieurs lignes empruntées par des TER, la mise en oeuvre de l'écotaxe, dont 80% des recettes devaient aller à l'Agence de Financement des Infrastructures de Transport, et donc pour une large partie à la modernisation du réseau ferroviaire, est aujourd'hui indispensable.

Peut-on continuer d'accepter une distorsion des coûts entre le routier, largement subventionné puisqu'il n'acquitte pas le coût complet de son impact sur les infrastructures (sans même évoquer le coût sanitaire), encouragé par le relèvement à 44 tonnes du tonnage maximal des camions et redouté en raison de sa capacité à bloquer le pays, et le ferroviaire, dont tout le monde s'accorde sur la nécessité d'en faire un outil efficace, mais sans pour autant lui donner les moyens de cette efficacité ?

La Suisse est un pays de transit alpin et a su freiner le trafic routier par la RPLP et une réglementation sévère à l'encontre du transport routier... d'autant plus légitime qu'en face, le transport ferroviaire offrait progressivement des capacités de report modal. En France, on en est très loin. Le nombre de navettes journalières d'autoroute ferroviaire en France n'excède guère plus d'une heure de trafic sous un des tunnels alpins. Autant dire que le potentiel de report modal est absolument considérable et il suffit d'emprunter les autoroutes françaises, notamment depuis Lille et Thionville jusqu'à la frontière espagnole pour s'en convaincre.

Mais en France, qui aura le courage d'abord de limiter le tonnage à 38 tonnes, puis d'imposer le transport sur rail pour le transit international ? Quant au trafic national, le principe du barème suisse, fondé sur la distance, le tonnage et le niveau d'émission du camion présente des conditions d'équité peu discutables. Tout au plus pourrait-on imaginer une augmentation du barème kilométrique au-delà de 500 km, pour tenir compte de la superficie du territoire.

Dans le contexte français où la moindre étincelle pourrait provoquer un mouvement social de grande ampleur, qui fera office d'allumette ? Les routiers contre l'écotaxe ? Les cheminots contre le démantèlement progressif du réseau par manque de moyens ?

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Commentaires
S
En ces temps où il est de bon ton de crier au ras le bol fiscal, un article courageux qui remet les choses à l'endroit !<br /> <br /> <br /> <br /> A noter quand même que les autoroutes françaises n'étaient pas concernés par l'écotaxe.... et auraient de ce fait profiter d'un report modal de la route vers l'autoroute !<br /> <br /> S'il est acquis que le report modal de la route vers le rail est bénéfique pour la société, alors, il est anormal qu'il ne soit pas possible de le financer. Et il est même anormal que, même sans prendre en compte les externalités autre que l'entretien du réseau routier, le transport routier ne paye pas ses couts. (En face, dans le fret ferroviaire, le fret ne paye pas non plus ses couts de réseau, mais au vu des conditions de concurrence avec les autres modes, c'est logique !)<br /> <br /> <br /> <br /> Ceci dit, et bien que le ferroviaire ait vocation à transporter les flux "massifiés" (ce qui ne signifie pas seulement, entre grands poles avec des trains complets, mais devrait aussi couvrir la messagerie ferroviaire quand elle est possible), il restera toujours des camions, qui en grosse partie du trafic emprunteront les autoroutes : équiper celles-ci de caténaires (il y a un prototype en Allemagne) et obliger les camions à la traction électrique (ce qui justifierait une "taxe" pouvant être supérieur au cout de l'électricité) serait aussi faire œuvre utile pour l'environnement.
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D
En parlant de distorsion de concurrence Fer/Route, d'après mes recherches les compagnies d'autoroutes ne payent pas de taxe foncière sur les propriétés non baties (chaussées) là où RFF s'acquitte de cette même taxe sur les implantations ferroviaires (voies). La sncf paye par ailleurs la CET et CVAE (ancienne taxe professionnelle) reversées aux collectivités territoriales sur la base des sillons reservés à RFF au prorata du linéaire concerné, là où les professionnels de la route la payent au siège de leur société; la CVAE étant assise sur la base de la taxe foncière, cette taxe est faible relativement à la superficie utilisée reellement par leurs camions.<br /> <br /> Bref, il faudrait remettre à plat la fiscalité existante sur les transports.
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