Grande vitesse : pas d'issue sans révision des péages ?
A l’approche de l’été, le contraste est flagrant : la fréquentation des trains continue d’augmenter et les services n’arrivent pas à suivre, conséquence notamment d’un parc de matériel roulant insuffisant, ce qui explique en grande partie la tendance à la hausse du prix des billets.
Paris Montparnasse - 8 mars 2024 - SNCF Voyageurs a maintenu en service 28 rames Atlantique pour éviter de trop réduire le parc à grande vitesse, face à un retour très rapide et très intense des voyageurs après la crise sanitaire. © transportrail
Le niveau des péages, c’est-à-dire la part des dépenses d’entretien et d’investissement sur l’infrastructure, y contribue aussi pour une large part, soit directement, par le coût qu’ils représentent pour chaque circulation, soit indirectement, par leurs conséquences sur la stratégie commerciale : des trains peu nombreux et surtout visant une capacité maximale, d’où la « monoculture Duplex » de SNCF Voyageurs, et son paroxysme incarné par Ouigo, en attendant la nouvelle génération qui en repousse encore les limites, quitte à passer sous silence l’effet sur la gestion des flux en gare.
Malgré cet étau, la fréquentation des trains augmente, bien plus qu’on ne pouvait l’imaginer : non seulement le creux de la crise sanitaire a été comblé, mais la croissance est nettement plus importante qu’avant 2020. Au final, on peut considérer que le moteur a été « serré » de toutes parts, car outre ces considérations, il faut ajouter l’augmentation de la ponction de l’Etat sur les résultats de SNCF Voyageurs pour alimenter le fonds de concours qui devrait à horizon 2027 fournir 40 % des moyens de SNCF Réseau pour les investissements de renouvellement.
Autre élément non négligeable à souligner tant il peut être lourd de conséquences : le nombre de voyageurs-kilomètres augmente... mais pas le nombre de trains-kilomètres. L'appétence pour le train ne se traduit donc pas par des recettes supplémentaires pour SNCF Réseau, prouvant qu'à trop tirer sur la corde des péages, elle finit par casser...
Le gouvernement esquive le débat en considérant que l’arrivée de nouveaux opérateurs résoudra ces difficultés. Cependant, elle dépend des capacités financières des entreprises : la mise de fond, notamment sur le matériel roulant à grande vitesse, donc la prise de risque, est considérable. A ce stade, les opérateurs les plus engagés sont des « historiques » : Trenitalia, RENFE. En revanche, pour de nouvelles entreprises, ce point reste encore assez critique, pour Le Train comme Kevin Speed, ou celles qui lorgnent sur le trafic transmanche. Seul le projet Proxima semble avoir pour l'instant réuni les fonds qui pourraient lui permettre de lancer ses activités - notamment acquérir les 12 rames annoncées - mais d'autres étapes l'attendent...
La baisse des péages faciliterait le développement des trafics, comme ce fut le cas en Italie, mais implique un engagement budgétaire direct, auquel il n’est manifestement pas disposé. Cependant, cette diversification des offres dans un cadre de Services Librement Organisés pourrait finir par soulever quelques questions. Le principe des accords-cadres (comme celui avec Kevin Speed, le premier du genre) ne semble être viable que dans une logique de court terme, alors qu'un opérateur ferroviaire a besoin de visibilité à moyen et long terme.
Le schéma de « concessions capacitaires » après appels à candidatures, tel qu’il a été mis en œuvre en Espagne, semble décidément intéressant pour sécuriser :
- le gestionnaire d’infrastructures, sur l’usage dans la durée du réseau et limiter le risque de conflits à arbitrer entre opérateurs ;
- les opérateurs, sur les modalités de développement de leurs activités ;
- les voyageurs et les territoires, sur la consistance et la lisibilité des dessertes longue distance, et notamment l’équilibre entre les axes à forte demande (Madrid – Barcelone) et ceux à moindre potentiel (Madrid – Burgos par exemple), du fait de la composition des lots capacitaires.
Valence Joaquin Sorolla - 5 mai 204 - Ils sont tous là sur une seule photo. Au fond, on aperçoit la pointe d'une Frecciarossa d'Iryo, puis des rames S102 AVE et AVLO, une rame S100 AVE et un Ouigo assuré par la rame n°810. © transportrail